Nous vivons trop vite, tout le monde le dit. Mais après quoi courons-nous, au juste ? Et quel impact cette course effrénée a-t-elle sur la qualité des relations que nous souhaitons entretenir ?

« La majorité fatiguée. » J’ai récemment entendu cette expression lors d’un évènement auquel je participais. J’ai été frappé par sa vérité toute simple.

Cette majorité fatiguée est pressée, et cela a entre autres un impact sur le temps dont elle dispose pour s’informer. Elle le fait rapidement, de manière superficielle, absorbant ici et là des bribes d’information, souvent à travers des médias plus ou moins fiables. Cela crée un cercle vicieux où la désinformation s’intensifie, exacerbant l’incompréhension des enjeux sociaux et favorisant encore plus la dissémination des fausses nouvelles. Pour espérer briser ce cycle, la majorité fatiguée doit se donner le temps de s’informer de manière approfondie, de vérifier ses sources et d’adopter une approche critique face à l’information.

Prenons soin de notre esprit. Une information de qualité est essentielle au développement de notre plein potentiel et à une compréhension juste des défis auxquels nous devons faire face.

Prendre le temps

En cette époque où la course au temps semble être notre lot quotidien, le temps « perdu » revêt une signification plus profonde qu’on l’imagine. Il est important de se rappeler que de dégager du temps pour « ne rien faire » n’est pas une perte, mais un véritable investissement. C’est dans les moments de quiétude et de recul que se tissent les liens humains les plus précieux et que naît la capacité à vraiment prendre soin des autres.

La première étape vers cette réconciliation avec le temps « perdu » est d’écouter. Mais écouter va bien au-delà de simplement entendre des paroles. Écouter vraiment, c’est offrir son attention, déposer son portable et accorder du respect à la parole de l’autre.

C’est reconnaître l’importance de ce qu’il ou elle exprime, un geste de générosité qui bâtit des ponts entre les individus et réduit la polarisation ambiante. En écoutant activement et en cherchant à comprendre différents points de vue, nous contribuons à un dialogue plus constructif et à une société plus harmonieuse.

Prendre du temps pour réfléchir est également crucial. C’est en se remettant en question que l’on grandit, que l’on évolue. Il est nécessaire de s’accorder des moments pour se remettre en cause, pour faire le point sur ses valeurs, ses actions et ses convictions. Comme le disait une personne qui a eu un grand impact dans ma vie, il est important de « prendre le temps de se regarder dans le miroir chaque matin et de se demander comment on peut faire mieux qu’hier ».

Lors de mes rencontres avec des organismes communautaires, des bénévoles et des donateurs, c’est sans doute ce dont on me parle le plus : le manque de temps et la vitesse à laquelle tout se passe maintenant. Je crois que la polarisation provient en partie de cette vitesse à laquelle nous allons : pas le temps d’analyser, de comparer, de comprendre. En 6,4 secondes, notre opinion est formée, finale.

La courtoisie

La fatigue que je perçois chez mes interlocuteurs pendant ces rencontres semble également résulter d’un certain manque de courtoisie généralisé.

Qu’est-il advenu de la courtoisie ? Cette qualité souvent sous-estimée revêt une grande importance dans nos interactions quotidiennes. Elle est non seulement le reflet d’une société bienveillante et respectueuse, mais elle peut aussi en être un ingrédient essentiel. Elle implique d’agir avec gentillesse, patience et respect, peu importe les circonstances.

En abandonnant le « je-me-moi » pour une pensée plus collective, nous contribuons à tisser des liens solides et durables, et à créer un environnement où chacun se sent écouté, respecté et inclus.

Chaque individu forme une maille du tissu social. Chaque geste, chaque parole a un impact. La semaine dernière, lors d’un appel avec un donateur, celui-ci m’a dit : « Je ne suis pas capable de donner plus cette année, monsieur Pinard, mais pas question que je saute une année. » Ç’a été l’un des plus beaux appels de ma semaine, parce qu’il symbolisait bien toute la volonté de contribuer qu’on retrouve chez tant de nos concitoyens.

Ainsi, en nous accordant du temps pour écouter, pour réfléchir, pour cultiver la courtoisie, pour nous informer de manière approfondie, nous devenons des acteurs conscients et responsables de notre société. Chacun de nous peut être une force positive, contribuant à un tissu social plus solide et à l’épanouissement de tous. Un exemple ? En laissant tomber une heure de réseaux sociaux au profit d’une heure d’écoute ou de bénévolat.

En prenant soin de nous-mêmes et des autres, nous créons un environnement propice à l’épanouissement collectif. Nous mettons en place la solidarité requise pour passer au travers de la prochaine année, qui semble annoncer quelques défis à notre résilience.

D’ici là, je vous souhaite d’abord du repos, et de magnifiques pertes de temps. L’objectif pour 2024 : passer de la majorité fatiguée à la minorité inspirée.

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