Nous sommes quelques jours avant Noël. Il pleut comme à l’Halloween. Ça tombe dru. Ça tombe mal, aussi, parce qu’aujourd’hui, c’est le défilé du temps des Fêtes au Phare, la maison de soins palliatifs pour enfants. Partout ailleurs, l’activité aurait été remise. Au Phare, on ne remet rien à plus tard. Plus tard n’existe pas. On est dans l’instant présent. Vivre, c’est urgent.

Des dizaines de gyrophares rouges et bleus flashent sur l’avenue du Mont-Royal Est. Des camions de police, des camions de pompiers, des ambulances, des autos de police et même des policiers montés sur leurs grands chevaux se dirigent vers Le Phare.

En temps normal, on pourrait croire qu’il y a une terrible catastrophe en ville. Dans le temps des Fêtes, pour les enfants du Phare, les lumières d’alarmes deviennent des lumières de Noël.

Des alarmes de joie.

David, Eliot et Marilyn assistent au défilé dans la salle de musique, dont les grandes fenêtres donnent sur la rue. Manolo le regarde à travers la grande porte vitrée. Ali, lui, est dehors, sous un petit chapiteau. Il se fait venter un peu, mais il veut être aux premières loges. Ali ne réside pas au Phare, en ce moment. Il y a déjà séjourné quelque temps. Il est revenu, ce matin, exprès pour voir ce convoi festif, avec son père Omar et sa sœur Yara, qui veut toujours être avec lui.

Hartlyn, dans une salle à part, à l’abri du bruit, écoute Antoinette, l’infirmière clinicienne en soins palliatifs, lui décrire l’action. Hartlyn ne voit pas. Sa maladie l’a rendue aveugle. La description remplit son cœur d’images qui l’émerveillent.

Dehors aussi, il y a les bambins du CPE voisin venus se joindre à la fête.

  • Eliot, David et Marilyn attendaient le défilé avec impatience.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Eliot, David et Marilyn attendaient le défilé avec impatience.

  • Paleny et Peter sont bien entourés du père Noël et des mascottes Chef et Flik.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Paleny et Peter sont bien entourés du père Noël et des mascottes Chef et Flik.

  • Malgré la pluie, les policiers, les pompiers et les ambulanciers ont défilé pour les enfants du Phare.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Malgré la pluie, les policiers, les pompiers et les ambulanciers ont défilé pour les enfants du Phare.

  • La magie de Noël fait son chemin au Phare.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    La magie de Noël fait son chemin au Phare.

  • Ici, quand les enfants formulent une demande au père Noël, c’est généralement pour recevoir un gros câlin.

    PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

    Ici, quand les enfants formulent une demande au père Noël, c’est généralement pour recevoir un gros câlin.

  • David en compagnie de Dipsy, chienne d’assistance en soins palliatifs pédiatriques

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    David en compagnie de Dipsy, chienne d’assistance en soins palliatifs pédiatriques

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Cet évènement annuel, qui a débuté en 2020, on le doit à Marco Cerroni, qui à l’époque était un policier en devenir du collège John-Abbott. Il a été touché par le cri du cœur de la mère du petit Noah, lancé dans le journal. Atteint d’un cancer du cerveau, son fils, âgé de 7 ans, passe alors son dernier Noël au Phare. En pleine pandémie, Karine ne sait pas si son Noah aura l’occasion de voir toute sa grande famille pour les Fêtes. Pour que cette période soit tout de même spéciale, elle demande aux gens de lui envoyer plein de cartes de Noël. Noah aime les cartes de Noël, ça le fait sourire.

Sur la photo qui illustre l’article, on voit Noah, devant le sapin décoré du Phare, en costume de policier. Noah rêve de devenir policier. Marco Cerroni, qui va le devenir sous peu, décide de rendre le Noël de Noah bien spécial. Il mobilise ses futurs collègues, pour qu’ils défilent devant la maison de soins palliatifs pédiatriques, dans un grand déploiement digne d’un président. L’initiative est reprise depuis tous les ans.

Policiers, pompiers et ambulanciers garent leur véhicule face aux grandes fenêtres de l’immeuble. Accompagnés du père Noël et de la mascotte du service d’incendie, ils entrent au Phare remettre des cadeaux aux jeunes, dans la grande salle où Ayoub les attend depuis un moment.

Une telle délégation qui entre quelque part, habituellement, c’est bruyant et ça brasse un peu. Pas ici. Il n’y a qu’une façon d’entrer au Phare, et c’est en douceur. Tout ici est douceur. Le personnel, les familles en visite, l’environnement respirent la paix intérieure. Policiers, pompiers et ambulanciers, les yeux pleins d’eau, remettent leurs présents, doucement. Le père Noël ne rit pas avec des gros « ho ! ho ! ho ! », il sourit tendrement. Et quand les enfants lui font une demande, c’est celle de recevoir un câlin. Tout simplement.

La chienne Dipsy se promène entre tout ce monde, calmement. C’est le pitou de la maison, la distributrice d’affection. Les enfants se sentent un peu mieux en sa présence.

Le party est fini. Les visiteurs retournent à leurs affectations. Faire respecter l’ordre, éteindre des incendies, sauver des vies. Cet avant-midi, leur seule mission, c’était de faire rêver. Elle est réussie. Le défilé leur a fait autant de bien qu’elle en a fait aux petits pensionnaires. Policiers, pompiers et ambulanciers sont reconnaissants d’avoir eu la chance de réaliser leur rêve d’enfant à eux. Ce que Noah n’a pas pu faire.

Dans son fauteuil, Eliot dort la bouche ouverte. L’ado n’a pratiquement rien vu de l’évènement. Trop fatigué d’une nuit à regarder des films dans sa chambre. Au Phare, tout le monde vit sa vie. On sait bien qu’il n’y a rien de plus important.

Je discute avec Lyne, la directrice générale, avec Ariane, la directrice des soins et des services, et avec Gabrielle, la conseillère aux communications. Elles sont toutes habitées par la même volonté. Comme Ariane le dit si bien : « La fin de vie, ça peut être beau. » Et tout est beau, ici. Le dévouement des gens qui y travaillent, l’amour des parents, la force des enfants, les chambres, les salles de détente, le corridor de la forêt enchantée. Même la bouffe est bonne, c’est vous dire.

Le Phare offre aux enfants l’ensemble des soins et des services palliatifs pédiatriques et, aux parents, accompagnement, répit et suivi de deuil. Bref, Le Phare offre un soutien pour la vie. Le suivi de deuil prolonge le lien. Et Dieu sait si, durant la période des Fêtes, les familles en ont besoin quand l’absence est plus insoutenable que jamais.

La dernière fois que j’étais venu au Phare, j’avais remarqué à ma sortie, derrière le comptoir de la réception, un gros crochet fixé en haut d’un mur. On m’avait expliqué que lorsqu’une lampe y est accrochée et que sa lumière est allumée, ça signifie que l’un des habitants de la maison a le souffle qui vacille. Lorsque la lampe s’éteint, ça veut dire qu’une trop courte vie s’est éteinte aussi.

Il n’y avait rien de suspendu au crochet, cette fois-là.

Aujourd’hui, il y a une lampe éteinte. Trois jours passés, une enfant est décédée.

Noël, c’est la fête de la Nativité. La fête des enfants qui naissent, vivent et grandissent. Les enfants ne sont pas censés mourir. Le cycle de la vie ne tourne pas ainsi. Et pourtant, il y en a qui meurent. Noël, c’est aussi la fête des enfants qui font face à cette fatalité. Penser à elles, penser à eux, ça donne un sens au temps des Fêtes. On fête la vie. La vie qui reste. La vie partie. La vie qui cherche un phare pour trouver le chemin vers son destin. La nôtre comme la leur.

Douce fête de la vie à tous.

Pour que Le Phare continue de briller, il faut des dons, il faut des sous. Si jamais ça vous le dit, rendez-vous ici.

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