On me demande souvent si je pense que Donald Trump a véritablement des chances de battre Joe Biden l’an prochain et de s’emparer à nouveau de la Maison-Blanche.

Ma réponse est toujours la même : depuis qu’il a gagné contre Hillary Clinton en 2016, je pense que tout est possible avec lui. Et qu’il pourrait trouver un moyen d’être élu en 2024.

J’en ai d’ailleurs un à vous soumettre aujourd’hui…

Le West dont je parle dans le titre de cette chronique est un ancien professeur de Harvard et de Princeton : le philosophe et militant afro-américain Cornel West.

Il a décidé d’être candidat indépendant à la présidence américaine en 2024.

S’il parvient à mener à bien cette initiative, il va nuire à Joe Biden. Et il n’est pas le seul candidat indépendant, confirmé ou présumé, qui pourrait brouiller les cartes.

PHOTO ANDREW HARNIK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le professeur Cornel West, en 2020, à l’occasion d’un évènement pour soutenir la candidature de Bernie Sanders

Cornel West était de passage au Québec récemment dans le cadre du festival Pop Montréal. Je suis allé écouter ce qu’il avait à dire.

Pour lui, Donald Trump et Joe Biden sont aussi menaçants l’un que l’autre. « Le choix est entre une guerre civile et une guerre mondiale. C’est bien d’avoir une autre option », a-t-il lancé, ce qui a bien fait rire les spectateurs.

Il a évoqué ses détracteurs, qui lui disent qu’il pourrait siphonner les votes du candidat démocrate et que « Trump va gagner, alors nous devons soutenir Biden coûte que coûte ».

Il n’est évidemment pas d’accord. « Non, non, je ne peux pas rester silencieux de cette façon ! », s’est-il exclamé. Selon lui, Joe Biden pourrait « manquer de carburant dans un mois ou deux » et « Trump pourrait finir en prison ».

Je ne sais pas si Cornel West a convaincu quelqu’un à Montréal… mais certainement pas moi.

Qu’il le veuille ou non, il est un allié objectif de Donald Trump.

Pour le confirmer, j’ai contacté un politologue de l’Université du Wisconsin/Whitewater – un État clé lors des élections présidentielles – qui s’intéresse au phénomène des tiers partis.

« La plupart des électeurs qui soutiendraient Cornel West voteraient, autrement, pour Biden. Son équipe a toutes les raisons d’être préoccupée par l’arrivée dans la course d’un autre candidat issu de la gauche », m’a dit Eric D. Loepp.

Selon cet expert, Joe Biden est particulièrement vulnérable, entre autres parce qu’il ne suscite pas autant l’enthousiasme que Donald Tump ou, jadis, Barack Obama.

« Il doit naviguer dans un monde où il tente de garder la faveur d’une coalition formée de nombreuses personnes dont l’engagement est fragile. Elles pourraient éventuellement être convaincues de faire autre chose, que ce soit de voter pour un candidat indépendant ou de ne pas voter du tout. »

Cornel West n’est pas le seul politicien autre que Donald Trump qui représente une menace à la réélection de Joe Biden. L’organisation No Labels, qui souhaite financer la campagne d’un candidat indépendant en 2024, flirte avec un candidat démocrate de prestige : le sénateur de la Virginie-Occidentale Joe Manchin.

Ce serait une très mauvaise nouvelle pour le président démocrate.

Sans compter que Robert Kennedy Jr vient d’annoncer officiellement qu’il sera lui aussi candidat indépendant à la Maison-Blanche. Il est toutefois difficile d’évaluer pour l’instant à qui, Donald Trump ou Joe Biden, il nuira le plus.

Les élections sont souvent si serrées aux États-Unis que quelques dizaines de milliers de votes peuvent faire la différence, pour un candidat à la présidence, entre la victoire et la défaite.

Je n’exagère pas plus que je ne dramatise.

C’est ce que l’histoire récente nous enseigne.

L’exemple le plus frappant est celui de Ralph Nader, candidat pour le Parti vert en 2000. C’est l’année où le démocrate Al Gore a dû concéder la victoire au républicain George W. Bush, à la suite d’une décision de la Cour suprême des États-Unis.

Tout s’est joué en Floride, où Al Gore a perdu par… 537 voix. Or, dans ce même État, Ralph Nader avait récolté 97 488 voix.

Pour illustrer à quel point chaque vote compte, le professeur Loepp me propose un exercice. Il s’agit de prendre, dans son État, le résultat des deux dernières élections présidentielles et du plus récent scrutin pour le poste de gouverneur.

« Dans ces trois élections, si vous additionnez la différence en nombre de voix entre le gagnant et le perdant, cela ne remplirait même pas le stade où jouent les Packers de Green Bay. Ça démontre à quel point c’est serré. Nous parlons de 20 000 personnes par élection, dans un État où quelques millions de personnes votent. »

Dois-je rappeler à quel point l’élection présidentielle de 2016 a été serrée ?

Hillary Clinton a perdu par la peau des dents dans trois États : au Michigan par 10 704 votes, au Wisconsin par 22 177 votes et en Pennsylvanie par 46 765 votes. C’est ce qui a permis l’élection de Donald Trump.

Cette année-là, la candidate du Parti vert, Jill Stein, a obtenu des dizaines de milliers de votes dans chacun de ces États.

Si la plupart de ces électeurs avaient plutôt voté pour Hillary Clinton, c’est elle et non Donald Trump qui aurait remplacé Barack Obama à la Maison-Blanche.

Alors oui, le candidat républicain fait face cette année à 91 chefs d’accusation dans quatre affaires criminelles différentes.

Oui, il continue de se comporter en insurgé.

Oui, les Américains ont pu être témoins de la gestion chaotique de la Maison-Blanche sous sa gouverne.

Mais non, les jeux ne sont pas faits pour la présidentielle de 2024.

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