Les gens ont beau être tannés d’en entendre parler, la COVID est toujours parmi nous. Si bien qu’une nouvelle campagne de vaccination commence la semaine prochaine. Comment peut-on convaincre un maximum de gens d’aller se faire vacciner de nouveau et de prendre un minimum de précautions alors qu’ils ne veulent plus entendre parler de ce maudit virus ? Nos deux chroniqueurs en discutent.

Vincent Brousseau-Pouliot : On a tout un défi devant nous, Philippe : parler de la COVID sans que les lecteurs arrêtent de lire immédiatement ! Je comprends que les gens sont ultra, méga tannés d’en entendre parler. Mais la COVID est toujours là, elle se propage de plus en plus, et on aurait tort de sous-estimer sa dangerosité, particulièrement pour la COVID longue.

Philippe Mercure : C’est vrai, la COVID est toujours là. Ce qui a changé, c’est qu’elle ne met plus le Québec sens dessus dessous comme elle l’a fait lors des premières vagues. Grâce aux vaccins (on ne le dira jamais assez !), la montée récente des cas ne menace pas de faire déborder nos hôpitaux. Les dernières statistiques montrent qu’à peine une quinzaine de Québécois se trouvent aux soins intensifs à cause de la maladie. Bref, la COVID est toujours un enjeu de santé publique, mais il s’agit d’un enjeu parmi d’autres plutôt que d’être celui qui monopolise toute l’attention et les ressources. Et ça, ça fait drôlement du bien !

Vincent Brousseau-Pouliot : Tu as raison : ça fait drôlement du bien de reprendre une vie normale ! Je crains seulement qu’on se bouche un peu trop les oreilles. Je suis étonné qu’on soit passé de 100 à 0 sur l’échelle des mesures pour se protéger (OK, j’exagère sans doute un peu). Je ne parle pas de confinement ni de masque obligatoire au bureau. Mais ça n’a pas de bon sens que le masque ne soit plus obligatoire dans de nombreux hôpitaux. Et on oublie les dangers de la COVID longue : environ 1 personne sur 10 qui attrape la COVID développera une COVID longue (symptômes de plus de trois mois), et tout porte à penser qu’entre 1 et 3 cas sur 10 de COVID longue sera sévère1. Chaque fois qu’on attrape la COVID, on aurait donc entre 1 % et 3 % de risques de voir sa vie complètement « scrappée » par la COVID longue pendant des mois. C’est pourquoi ça vaut la peine de prendre quelques précautions de base (ex. : se faire vacciner, rester à la maison en cas de symptômes, porter un masque dans les endroits bondés).

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Québec envoie un drôle de message en n’offrant plus les tests rapides gratuitement dans les pharmacies, écrit Vincent Brousseau-Pouliot.

Philippe Mercure : Oui pour le vaccin. Une nouvelle campagne démarre, avec un vaccin conçu pour nous protéger des nouveaux variants en circulation. Bonne nouvelle : Québec rapporte une « forte participation ». Mercredi, près de 400 000 personnes avaient déjà pris un rendez-vous pour le vaccin de la COVID, celui de la grippe ou les deux. Tout porte à croire que ce vaccin diminuera le risque d’être infecté, mais surtout de souffrir de complications (hospitalisation et COVID longue). Il est surtout recommandé pour les personnes vulnérables, mais je ne vois que des avantages à le prendre. Rester à la maison ou porter le masque quand on a des symptômes respiratoires, ça va aussi de soi, pour éviter de transmettre la COVID autant que les autres virus respiratoires. Quant au masque pour tous dans les endroits bondés, je n’y crois pas. L’adhésion n’y sera pas. De toute façon, on a vu qu’il faut des mesures autrement costaudes pour enrayer la transmission communautaire. Ça me rappelle soudain les vieux débats de 2020, Vincent, j’ai l’impression de me tanner moi-même à parler ainsi…

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La présidente du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ), la Dre Caroline Quach-Thanh, et le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau, ont récemment fait le point sur l’évolution des maladies respiratoires infectieuses au Québec.

Vincent Brousseau-Pouliot : Justement, quand les gens sont tannés d’entendre parler d’un sujet important, le message doit être simple et clair. Je cite la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier, professeure associée à l’UQAM : « On ne peut pas s’attendre à ce que les gens aient le temps de s’informer et un accès facile à l’information. Il faut un message clair, accessible et cohérent. On doit retransmettre l’importance d’éviter la transmission auprès des personnes vulnérables parmi nous, mais aussi les répercussions potentielles dans la communauté. Mobiliser en responsabilisant, pour que chacun puisse choisir d’adopter les comportements souhaitables. » À mon humble avis, on ne répète pas assez que le vaccin est encore super bénéfique pour tout le monde. Québec envoie aussi un drôle de message en n’offrant plus les tests rapides gratuitement dans les pharmacies. On devrait faciliter la vie au maximum aux gens qui veulent se tester.

Philippe Mercure : J’ai fait ma part, dans ce journal, pour critiquer la gestion de la COVID par Québec. Pourtant, je suis moins dur que toi envers la Santé publique sur l’approche actuelle. Il me semble que le message envoyé est clair et adapté à la situation (qui, je le répète, n’est plus du tout celle des premières vagues). Les tests rapides ? C’est peut-être vrai qu’on devrait en faciliter l’accès. Mais d’un autre côté, la stratégie actuelle est de dire : faites attention si vous avez des symptômes respiratoires, peu importe qu’ils soient provoqués par la COVID, la grippe ou le rhume. Dans ce contexte, il est moins important de savoir le nom précis du virus qui nous fait tousser. Une chose est sûre, Vincent : on n’est pas d’accord sur tout et c’est normal. La gestion du risque est très personnelle devant une maladie comme la COVID. Mais au moins, on peut maintenant en discuter dans un contexte nettement moins tendu !

1. https://www.nature.com/articles/s41579-022-00846-2 ; https://twitter.com/EricTopol/status/1664054750625828864 ; https://www.ledevoir.com/societe/sante/798522/jusqu-10-travailleurs-sante-quebec-sont-touches-COVID-19-longue

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