(St. John’s, Terre-Neuve-et-labrador) À l’occasion des élections générales, la chroniqueuse Marie-Claude Lortie est allée passer quelques jours à Terre-Neuve-et-Labrador, province qui ne compte que sept sièges à la Chambre des communes, mais qui a su démontrer, dans le passé, qu’elle occupait une place incontournable dans la Confédération. Aujourd’hui, elle nous parle de Seamus O’Regan, ancien animateur de télé, grande vedette libérale de la province et porte-étendard du Terre-Neuve-et-Labrador d’aujourd’hui.

Pour Seamus O’Regan, candidat libéral dans St. John’s Sud–Mount Pearl, l’une des deux circonscriptions de la capitale de la province, la question ne se pose même pas : Terre-Neuve est au centre du monde.

« Tassez un peu la carte et vous verrez. »

Si on se place pour regarder bien en face l’océan Atlantique, l’île est effectivement dans un lieu assez central, entre le reste du Canada et l’Europe. « C’est juste au milieu », insiste le sympathique politicien, qui a accepté de prendre un peu de temps entre deux ou mille évènements de sa campagne pour nous rencontrer et parler de sa vision de sa province.

En avion, on est pratiquement à deux pas de Londres, ajoute-t-il, mais aussi près de New York. 

« C’est fou ce qu’on peut imaginer construire en utilisant la force de notre localisation », poursuit le ministre des Services aux Autochtones du dernier gouvernement de Justin Trudeau et ancien animateur de l’émission phare du matin de CTV.

Et il est vrai que, assis dans un café post-industriel de St. John’s, entre ces maisons de bois peintes en couleurs vives, pas loin du port, on s’imaginerait aisément autant à Brooklyn qu’à Shoreditch, mais avec poêle à bois en prime.

Seamus O’Regan adore sa Terre-Neuve et son Labrador, province où il est né et où il a vécu, jusqu’à ce qu’il parte faire des études en Nouvelle-Écosse, puis en Irlande, en Angleterre, à Cambridge, et en France.

Lorsqu’on lui demande pourquoi il a choisi Dublin pour poursuivre ses études en sciences politiques, après avoir commencé dans les Maritimes, il revient sur cette idée que, vu de Terre-Neuve et du Labrador, Toronto n’était pas plus proche. 

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Seamus O’Regan, candidat libéral dans St. John’s Sud–Mount Pearl

Tous mes amis allaient vers l’ouest, mais moi, je me suis juste tourné de l’autre côté.

Seamus O’Regan

Vedette de la télévision canadienne pendant 14 ans, notamment grâce à ses 8 ans à l’animation de Canada AM, spécialiste des questions autochtones – intérêt né durant ses années d’enfance à Goose Bay, au Labrador, où son père était juge –, Seamus O’Regan fait partie des figures cruciales de l’équipe Trudeau. Et il incarne réellement le Terre-Neuve d’aujourd’hui. Il est marié avec un homme – gestionnaire de restaurant d’origine montréalaise –, croit au pouvoir économique de la pêche, mais surtout au potentiel technologique de la connaissance qu’ont les Terre-Neuviens du Nord et des océans, il n’est certainement pas contre le pétrole comme levier économique, mais n’y voit pas non plus un paradis assuré jusqu’à la fin des temps. 

En 2015, il a gagné la circonscription avec près de 58 % des voix, défaisant ainsi aisément le candidat néo-démocrate, l’ancien député et ses 37 % de votes. Et personne actuellement ne semble s’inquiéter de son éventuelle réélection. (La circonscription terre-neuvienne qui n’est pas assurée aux libéraux est plutôt St. John’s Est, l’autre grande circonscription de la capitale, prise par les libéraux au Nouveau Parti démocratique en 2015, mais où une lutte à quatre avec le Parti populaire pourrait apporter des résultats surprenants.)

Aujourd’hui, il dit absolument adorer son travail et la politique, eaux dans lesquelles il a toujours navigué, à part pour ses 14 ans à la télé, boulot dans lequel il a plongé un peu par hasard, en allant passer une audition à Halifax uniquement parce que ça adonnait. On avait besoin de lui dans la voiture amenant son frère dans la capitale nouvelle-écossaise, pour surveiller les orignaux, raconte-t-il. « Oui, à Terre-Neuve, quand on fait de la route, on a toujours une personne pour conduire et l’autre pour surveiller les orignaux. » Il a embarqué dans la voiture, en a profité pour aller rencontrer ces gens de télé qui cherchaient des jeunes pour une nouvelle chaîne de nouvelles. Et c’est ainsi que cette aventure a commencé, jusqu’à ce que la politique refasse surface en 2014.

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Seamus O’Regan fait partie de ceux qui voient l’avenir de Terre-Neuve avec un regard plus qu’enthousiaste, mais sans dévotion particulière à l’industrie du gaz et du pétrole, contrairement au gouvernement provincial libéral, qui mise beaucoup sur ce secteur comme planche de salut pour cette province totalement traumatisée par le moratoire sur la pêche à la morue en 1992.

« Nous avons un pétrole de qualité exceptionnelle, dit-il. Et ça nous aide à traverser les défis. »

Mais il n’y a pas que ça sur son radar pour l’avenir. 

Nous comprenons mieux que quiconque la fragilité des océans. Nous connaissons la pêche. Nous connaissons le Nord.

Seamus O’Regan

Il y a, dans ces spécificités, en plus de la localisation géographique, bien du potentiel à explorer, à développer. Il voit dans l’avenir des entreprises qui sachent protéger les océans, nettoyer les océans, cartographier, connaître les océans. 

« On est en train de construire tout un secteur techno fondé sur l’océan », dit-il.

« Parce que le développement doit passer par qui on est, ce qu’on est, être de la place. »

Seamus O’Regan croit aussi qu’on n’a pas assez dit combien Terre-Neuve et le Labrador étaient des endroits formidables où vivre.

« Le tourisme est en explosion », note-t-il, entre autres parce que Zita Cobb a fait de son hôtel de Fogo une attraction mondiale qui a tourné les radars de tous vers cette île. (Personnellement, je crois aussi que le roman et le film The Shipping News y ont été pour quelque chose.) D’ailleurs, le groupe Germain vient d’ouvrir un hôtel Alt à St. John’s, où la scène gastronomique n’a jamais été aussi florissante, avec des tables reconnues comme Mallard Cottage, Raymond’s, Terre – le restaurant que dirige actuellement le mari du ministre – et Merchant’s Tavern, pour ne nommer que celles-là. « On a de la météo vraiment nulle, mais c’est vraiment un endroit magnifique », ajoute O’Regan.

« C’est de l’authenticité qu’on trouve ici, et je crois qu’aujourd’hui, les gens cherchent ça. »