Comme poignée pour améliorer le bilan routier au Québec, Martin Lavallière mentionne la trop grande tolérance face aux conducteurs qui grillent un feu rouge et roulent au-dessus des limites de vitesse, notamment dans des secteurs résidentiels. Il note aussi que le Québec demeure la seule province canadienne à ne pas avoir adopté de sanctions administratives pour les automobilistes ayant une concentration d’alcool dans le sang de 0,05 et plus.

« On le voit dans les provinces et les États où ça a été adopté, le bilan de sécurité routière s’améliore, et ça n’a pas fait fermer les bars et les restaurants… Mais au Québec, on ne veut pas le faire », constate le professeur au département des sciences de la santé à l’UQAC.

L’expert en sécurité routière Marco Harrison est du même avis. « Ce qu’il manque pour le 0,05, c’est la volonté politique. La mesure est impopulaire auprès des établissements de vente d’alcool, comme les bars et restos, et leur lobby est très fort. Pourtant, l’offre de raccompagnement aujourd’hui est assez large à travers la province. »

Mardi, en réaction à la recommandation du coroner Yvon Garneau d’abaisser le seuil limite d’alcool dans le sang, le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, a d’ailleurs fait savoir qu’une « révision de la limite d’alcool permise au volant n’est pas envisagée par notre gouvernement ».

La question de la distraction au volant doit aussi être prise en compte. Dans certaines régions du Canada, les décès dus à la distraction au volant ont dépassé en nombre ceux causés par la conduite en état d’ébriété, selon l’organisme Traffic Injury Research Foundation.

Dans un sondage CAA réalisé en 2021, 47 % des conducteurs ont admis avoir tapé ou utilisé la fonction de mémo vocal pour envoyer un message alors qu’ils conduisaient.

De plus, l’explosion de la présence de technologie dans les voitures, des senseurs et des caméras jusqu’à l’écran central avec différents niveaux de navigation, produirait le contraire de l’effet désiré et augmenterait la distraction des conducteurs, selon une étude de 2021 financée par l’American Automobile Association (AAA). L’organisme s’est rendu compte que, dans certains cas, les conducteurs passaient jusqu’à 40 secondes à regarder l’écran d’infodivertissement de leur voiture, alors que les risques de collision augmentent après 2,5 secondes sans regarder la route.

Martin Lavallière note que cette technologie accentue le phénomène de « bulle » que vivent les automobilistes.

« Mais si on légifère plus serré, les gens vont apporter eux-mêmes des appareils externes à la voiture, et le problème sera encore plus complexe à gérer. Il faut trouver un juste milieu entre aide technologique et atténuation au maximum des distractions. Ce n’est pas chose simple. »

Le professeur aimerait inviter les automobilistes à se glisser dans la peau des autres utilisateurs de la route.

« Un véhicule, ça peut tuer quelqu’un. Donc conduire un véhicule de plusieurs tonnes sur la voie publique vient avec des responsabilités. Il faut voir les dangers que l’autre perçoit. Le conducteur qui passe près des cyclistes, qu’est-ce que ça génère comme stress chez les autres ? Il y a des conséquences à nos actions, mais des fois, ce sont les autres qui les subissent. Respecter les autres, si ça prend une minute de plus par jour, je pense que c’est une minute bien investie. »