Le gouvernement Legault n’a pas l’intention d’abaisser le seuil limite d’alcool dans le sang des automobilistes, malgré la recommandation parue mardi d’un coroner qui presse Québec de passer à 50 mg par 100 ml « dans les plus brefs délais ».

« Une révision de la limite d’alcool permise au volant n’est pas envisagée par notre gouvernement », a brièvement indiqué mardi le cabinet de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, sans donner plus de détails sur les raisons de cette décision politique. Selon nos informations, les opinions très partagées dans la population sur cette question font hésiter le gouvernement à bouger.

Québec réagissait ainsi à un rapport rendu public mardi, dans lequel le coroner Yvon Garneau recommande clairement aux autorités « de réaliser dans les plus brefs délais leur analyse respective de la faisabilité d’abaisser le seuil limite d’alcool dans le sang de 80 mg/100 ml à 50 mg/100 ml », et ce, en modifiant le Code de la sécurité routière.

Dans son rapport, M. Garneau rappelle que le Québec est la seule province au Canada « à être anachronique avec une limite de 0,08 » % d’alcool dans le sang. « Pourtant, la preuve est faite quant à la diminution des accidents mortels depuis l’instauration d’une limite inférieure à 0,05 % ailleurs au Canada », écrit-il.

Cette recommandation était comprise dans le rapport sur le décès de Stéphanie Houle, survenu le 1er octobre 2021 à la suite d’une collision routière. À l’époque, Mme Houle était passagère d’un véhicule qui circulait sur le chemin Hemming à Drummondville.

Des prélèvements sanguins du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale ont notamment « révélé une alcoolémie de près de deux fois la limite légale pour le conducteur au moment de la perte de contrôle du véhicule », rappelle le Bureau du coroner. L’enquête a également démontré « que certaines personnes ont pu être témoins » de la consommation d’alcool du conducteur avant qu’il prenne le volant du véhicule avec Mme Houle, insiste l’organisme.

À 128 km/h

Le conducteur, Benoit Janvier, âgé de 38 ans, avait perdu la maîtrise de son véhicule après une sortie de route suivie de plusieurs tonneaux, avant de percuter un arbre. Il roulait alors à 128 km/h dans une zone de 50 km/h. Au moment des faits, il avait effectivement une alcoolémie d’environ deux fois la limite permise.

M. Janvier, qui avait survécu, a été condamné en août à 54 mois de prison après avoir reconnu sa culpabilité à des accusations de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort et de conduite dangereuse ayant causé la mort. Sa peine est assortie d’une interdiction de conduire durant cinq ans après sa libération.

La limite d’alcool permise dans le sang fait débat depuis plusieurs années au Québec. En mars, les parents de Mathis Filion, un jeune homme de 18 ans mort le 11 mars dernier lorsque le véhicule dans lequel il se trouvait a été happé de plein fouet par un conducteur ivre sur l’autoroute 20, avaient aussi appelé le gouvernement à revoir sa politique à ce sujet.

« Sur les sanctions administratives à 0,05 au Québec, c’est simple : on est des idiots », avait tranché Marco Harrison, porte-parole en matière de sécurité routière à CAA-Québec. « Le 0,08 ne tient plus la route », avait aussi ajouté l’avocate Marianne Dessureault, responsable des affaires juridiques à l’Association pour la santé publique du Québec.

Outre cet enjeu, le coroner Garneau recommande au gouvernement, à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et à l’organisme Éduc’alcool de mettre en place des activités de sensibilisation pour rappeler au public l’importance de signaler aux policiers les conducteurs ayant ou semblant avoir les facultés affaiblies par l’alcool ou une drogue.

Avec Pierre St-Arnaud, La Presse Canadienne