La promesse d’un monde carboneutre grâce aux énergies renouvelables cache une réalité plus sombre, qui fait rarement la manchette. Il faudra extirper au cours des 30 prochaines années autant de métaux qu’on en a extrait dans toute l’histoire de l’humanité. Verte, la transition énergétique ? La journaliste Celia Izoard sème le doute dans son essai La ruée minière au XXIe siècle.

« Quelle multinationale, quel État ne s’est pas engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 ? D’un bout à l’autre du globe, cette promesse est déclinée dans les conférences de presse, sur les écrans et les prospectus : nous n’émettrons plus de gaz à effet de serre dans trente ans. »

Celia Izoard ouvre son essai en rappelant cet engagement que nous connaissons tous maintenant. Le monde sera carboneutre et la course pour y arriver est déjà commencée. Un tel engouement pour de nouvelles sources d’énergie rappelle d’ailleurs les débuts de l’ère préindustrielle… et la ruée vers les combustibles fossiles.

Ces mêmes combustibles fossiles ont néanmoins provoqué un réchauffement climatique dont l’accélération n’a pas d’égale dans l’histoire de notre planète. Pour y remédier, la seule planche de salut passe par les énergies renouvelables. Le soleil, le vent et l’eau feront fonctionner nos sociétés grâce aux panneaux solaires, aux éoliennes et autres barrages hydroélectriques.

Exit les véhicules à essence, qui seront remplacés par des modèles électriques. En parallèle, le monde se tourne plus que jamais vers le numérique : téléphones, écrans, montres et autres gadgets dont les ventes grimpent année après année.

Or, cette nouvelle révolution industrielle ne pourra se concrétiser sans multiplier l’extraction de métaux à des niveaux sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

Celia Izoard signale notamment qu’une éolienne de 3 mégawatts d’environ 120 mètres de haut contient 3 tonnes d’aluminium, 2 tonnes de terres rares, 4,7 tonnes de cuivre, 335 tonnes de fer et 1200 tonnes de béton.

Selon diverses analyses, il faudrait extraire jusqu’à 28 fois plus de cuivre, 74 fois plus de nickel et multiplier par 1000 la production de lithium pour atteindre les objectifs de carboneutralité. Peut-on réellement parler d’énergies renouvelables si celles-ci reposent sur l’expansion des activités minières et leurs ressources non renouvelables, dont le bilan environnemental laisse souvent à désirer ?

Car malgré les promesses de l’industrie, la mine « verte » n’existe pas, affirme l’auteure. Des promesses dénoncées entre autres par SystExt, une association française qui s’intéresse aux impacts des activités minières.

C’est le principal problème : malgré ses gains en efficacité, la mine du XXIe siècle est vouée à devenir de plus en plus polluante et consommatrice de ressources.

Celia Izoard, dans son essai La ruée minière au XXIe siècle

« Quel que soit le pays, quelle que soit la réglementation en vigueur pour exploiter des gisements qui ne contiennent plus que quelques grammes d’or ou quelques centaines de grammes d’argent par tonne de roche, il faut nécessairement plus d’eau, plus d’énergie, plus de produits chimiques. Plus la teneur des gisements baisse, plus la mine est polluante », écrit Celia Izoard.

L’ouvrage a le mérite de soulever des questions pratiquement inexistantes dans le débat public. C’est l’éléphant dans la pièce dont personne ne parle : nos modes de consommation sont-ils viables à long terme ? « L’histoire des transitions s’est révélée être une histoire d’additions, écrit l’auteure. D’une certaine manière, la transition est une promesse qui a déjà été faite deux fois et qui, dans les deux cas, s’est soldée par une consommation accrue des richesses du sous-sol. »

Extrait

« Dire que la transition énergétique consiste à passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables élude une réalité matérielle lourde de conséquences. La transition implique en fait de passer des énergies fossiles aux métaux, lesquels ne sont pas renouvelables. […] D’ici à 2050 on estime que, pour respecter les Accords de Paris selon les scénarios économiques dominants, il faudrait produire cinq à dix fois plus de métaux qu’aujourd’hui. »

Qui est Celia Izoard ?

Journaliste indépendante, Celia Izoard collabore notamment au magazine français Reporterre. Elle est également l’auteure de l’essai Merci de changer de métier, une critique des nouvelles technologies et de leurs impacts sociaux et écologiques.

La ruée minière au XXIe siècle – Enquête sur les métaux à l’ère de la transition

La ruée minière au XXIe siècle – Enquête sur les métaux à l’ère de la transition

Éditions de la rue Dorion

338 pages