Un journaliste vous présente un essai récemment publié.

Tous ne sont pas égaux devant les enjeux environnementaux, et cela va bien au-delà de la menace de la montée des eaux. Dans l’essai collectif La nature de l’injustice, 22 auteurs, dont le militant écologiste David Suzuki, exposent les impacts des changements climatiques et de diverses formes de pollution sur les « communautés racisées » ou défavorisées et réclament une plus grande justice sociale.

La question des inégalités environnementales a été bien documentée. Dans son plus récent rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) fait valoir que la justice sociale est l’une des voies pour se sortir de la crise climatique, laquelle a pour effet d’aggraver les inégalités et le racisme environnemental. Or, les manifestations de cette réalité demeurent dans l’angle mort des décideurs et des politiques publiques, déplorent les auteurs autochtones et allochtones qui ont pris la plume dans cet essai dirigé par Sabaa Khan, directrice de la Fondation David Suzuki (FDS) pour le Québec et l’Atlantique, et Catherine Hallmich, experte en sciences de l’environnement.

Comment d’abord définir le racisme environnemental ? « Comme le résultat de politiques ou pratiques environnementales, intentionnelles ou non, qui affectent de manière disproportionnée des communautés racisées ou autochtones », est-il précisé en début d’ouvrage.

Au Québec, au Canada et ailleurs, les personnes marginalisées subissent, de façon disproportionnée par rapport aux plus nanties, le poids de la pollution, de la perte de la biodiversité et du réchauffement.

L’Arctique se réchauffe à un rythme trois fois plus rapide que la moyenne mondiale, menaçant le mode de vie et la culture des Inuits encore davantage que la sédentarisation, dénonce Lisa Qiluqqi Koperqualuk, présidente du Conseil circumpolaire inuit (Canada). De plus, les concentrations de polluants organiques persistants (POP) sont de 2 à 11 fois plus élevées chez les Inuits que chez les personnes vivant dans le sud du Canada. Ceux-ci ont tendance à se concentrer aux pôles où ils intègrent la chaîne alimentaire, explique le biologiste Yvan Pouliot.

En Nouvelle-Écosse, des communautés noires s’inquiètent des effets sur leur santé des polluants émanant de dépotoirs implantés à proximité de leurs quartiers, raconte Ingrid Waldron, professeure et titulaire de la chaire HOPE sur la paix et la santé à l’Université McMaster. Au Québec, la course aux titres miniers viole les droits ancestraux des peuples autochtones, argue l’avocat Rodrigue Turgeon, co-porte-parole de la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine. En Martinique et en Guadeloupe, la population souffre encore aujourd’hui de la pollution au chlordécone, un pesticide nocif autorisé par l’État français pour la culture des bananes de 1972 à 1993, mais alors interdit dans plusieurs pays.

Les exemples cités dans l’ouvrage sont nombreux et variés, mais se rejoignent dans un constat : l’exploitation de la nature est allée de pair avec l’exploitation des êtres humains ; la première ayant été facilitée par la deuxième. Aujourd’hui encore, les effets du colonialisme se font sentir dans plusieurs pays, notamment au Canada.

Comment en sortir ? Les auteurs exposent plusieurs idées, notamment repenser le territoire en dehors des frontières coloniales, développer davantage d’infrastructures vertes en ville dans un souci de justice sociale, intégrer la justice environnementale dans les lois et leur application et remodeler le droit international pour y intégrer notamment le principe d’équité intergénérationnelle. Une réflexion pertinente qui occupera certainement une place de plus en plus grande dans l’espace public avec l’accélération des changements climatiques.

Extrait

« Les îlots de chaleur, aggravés par un tourisme excessif, les chantiers de construction et la pollution, affectent de manière disproportionnée la santé et la sécurité des résident⸱es âgé⸱es [du Quartier chinois de Montréal]. Les piètres conditions de vie des travailleur⸱euses racialisé⸱es du quartier, entassé⸱es dans des logements exigus, empirent l’été. Encore une fois, ce sont les populations les plus vulnérables qui subissent les conséquences désastreuses de l’aggravation de la crise climatique et de la dégradation de la qualité de l’air urbain. » (Tiré du texte de May Chiu et Shi Tao Zhang)

Qui sont Sabaa Khan et Catherine Hallmich ?

Sabaa Khan est avocate et docteure en droit. Membre de la Commission mondiale du droit de l’environnement et du Barreau du Québec, elle est aussi directrice de la Fondation David Suzuki pour le Québec et l’Atlantique. Catherine Hallmich se spécialise en sciences et en génie de l’environnement depuis plus de 15 ans. Ancienne cheffe de projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, elle travaille actuellement à Infrastructure Canada.

La nature de l’injustice – Racisme et inégalités environnementales

La nature de l’injustice – Racisme et inégalités environnementales

Écosociété

276 pages