Avec leur plume unique et leur sensibilité propre, des artistes nous présentent leur vision du monde qui nous entoure. Cette semaine, nous donnons carte blanche à Mariana Mazza.

Il est 15 h 47. Je reviens de vacances en République dominicaine. Mon corps sent encore la noix de coco après-soleil et mon dos pique tellement que j’ai envie de me le gratter avec tous les coins de murs que je croise. Je suis assise dans la chambre d’hôtel où j’ai dormi après mon spectacle à Donnacona, je serai en direction de Thetford Mines dans quelques instants pour faire un autre spectacle. J’hésite à écrire ce texte. Je me demande si c’est pertinent de donner encore plus de visibilité à ceux qui m’insultent depuis quelques jours…

« Criss de pas de classe, t’auras jamais de carrière. »

« Y’a une estie de limite d’assumer son corps, t’as l’air du Bonhomme Carnaval. »

« Dégueulasse, t’es pathétique. Y’avait des familles dans la foule ! »

Il y a quelque temps, je suis allée chanter une chanson avec Les Cowboys fringants au Centre Bell, juste après mon spectacle à Brossard. Pendant que je sautais partout sur la scène, habillée d’un pantalon de jogging trop grand et d’une brassière de sport, les gens dans la foule criaient et chantaient. Les fans des Cowboys, ce sont les meilleurs. Les Cowboys, ce sont les meilleurs.

J’étais dans l’euphorie de ce trop-plein d’adrénaline qui me rend heureuse et reconnaissante. Karl, le chanteur, et moi, on chantait en se regardant dans les yeux, tantôt en riant, tantôt en étant dans nos personnages de la chanson Marine marchande. L’histoire de cette chanson est basée sur un couple qui ne se sent plus la face et qui doit s’éloigner. La fille est méchante. Le gars part dans la marine marchande.

C’était le seul duo de cette soirée enivrante, que les fans ont remplie avec amour et énergie. Pendant que je criais dans le micro que je le détestais, comme le stipule la chanson, mon pantalon humide et fuyant a décidé de tomber en bas de mes hanches et, d’un coup, la chanson a atteint un tempo plus lent, avant le punch final où la fille dans la toune dit qu’elle a trompé son chum pendant qu’il était parti.

À cet instant précis, un éclair de folie a frôlé mon cerveau et poussé mes deux mains à baisser mon pantalon. Je me suis retrouvée en bobettes devant 16 000 personnes qui criaient et riaient. Karl s’est retourné vers moi et est parti à rire, ainsi que le reste du band. J’avais chaud, la chanson était drôle et hop là, en bobettes.

Quelques jours plus tard, après que j’ai répondu à plusieurs messages me disant que j’étais une belle surprise pendant cette soirée, que j’étais drôle et que c’était libérateur, les messages haineux ont commencé à déferler à la suite de plusieurs articles relatant ma performance.

Je ne suis pas fâchée en lisant les commentaires.

Je suis triste. Je suis triste pour les gens qui prennent encore le temps de me dire que je n’aurai jamais de carrière.

Je suis triste pour les humains qui prennent trop de temps à insulter quelqu’un qui a trop de confiance pour se sentir attaqué et qui ne regrette pas un moment d’avoir diverti des milliers de personnes qui lui souriaient.

Triste de constater que ce sont uniquement des adultes qui écrivent ce genre de commentaires. Les jeunes semblent peu contrariés par cette célébration de la joie. De la liberté.

Je suis triste pour tous ceux et celles qui m’insultent en me disant que mon corps est dégueulasse, gros, gras et répugnant.

Je n’ai répondu à aucun des messages.

Mais j’utilise la tribune qui m’est accordée par La Presse pour répondre à toute la gang en même temps.

Je m’appelle Mariana Mazza. Je suis une humoriste qui remplit ses salles de spectacles d’humains qui veulent rire et qui me suivent depuis maintenant 12 ans. J’aime mon corps comme j’aime la vie que je mène : avec reconnaissance et attention.

Je vous invite tous et toutes à essayer de faire comme moi.

Libérez-vous de votre aigreur qui frappe le mur de mon indifférence.

Bonne année 2023.

P.-S. Si c’était à refaire, je me serais lancée dans la foule.

Joke.