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J’aimerais comprendre pourquoi l’ONU n’envoie pas des Casques bleus afin d’aider et protéger les civils, les couloirs humanitaires, les hôpitaux, la Croix-Rouge, etc.

Andrée Déziel

Après le discours du président ukrainien Volodymyr Zelensky au Parlement canadien, Elizabeth May, l’ancienne cheffe des Verts, a appelé le Canada à faire preuve de créativité pour « sauver » l’Ukraine.

« Lorsqu’il n’y a pas les outils adéquats, mon Dieu, inventons-les ! », a-t-elle lancé. Elle a justement fait allusion au rôle crucial joué par le Canada dans la création des Casques bleus, à la fin des années 1950.

Il s’agissait alors d’une innovation. Mais dans les circonstances actuelles, en Ukraine, le recours aux Casques bleus n’est pas une option envisageable.

« L’ONU ne peut envoyer des Casques bleus que lorsque les parties au conflit ont signé un cessez-le-feu ou un accord de paix et accepté le déploiement de cette force militaire. L’action de l’ONU est fondée sur le consentement des parties », explique Jocelyn Coulon, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM).

Or, jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas de trêve à l’horizon. L’invasion russe se poursuit et la destruction de l’Ukraine s’accélère. On voit mal comment les deux parties arriveraient à s’entendre pour donner le feu vert à une mission de paix.

L’idée est séduisante, cela dit, alors que notre impuissance à protéger l’Ukraine est désespérante. Le vice-premier ministre polonais, Jarosław Kaczyński, de passage dans la capitale ukrainienne récemment, a d’ailleurs lui-même suggéré l’envoi en Ukraine d’une « mission de paix protégée par des forces armées ».

Mais à l’OTAN, on a rapidement émis « de sérieuses réserves à ce sujet », a rapporté l’Agence France-Presse.

« Je comprends qu’on veuille chercher des solutions, mais celle-là comporte beaucoup de risques, et c’est la raison pour laquelle ça ne va jamais arriver », dit Anessa Kimball, directrice du Centre sur la sécurité internationale de l’Université Laval, qui souligne elle aussi les limites liées au mode de fonctionnement de l’ONU dans un tel cas.

Dans le même ordre d’idées, un autre lecteur de La Presse, Pierre Brassard, s’interroge quant à lui sur l’utilité de l’ONU. « Si ça sert à quelque chose, ça sert à quoi ? Et je pensais que ça servait à éviter que des situations comme celle-ci se produisent. »

Il est souvent frustrant, en effet, de voir que les cinq grandes puissances – qui représentent les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, dont la Russie – jouissent d’un immense pouvoir sur l’organisation, notamment un droit de veto.

C’est frustrant, mais il importe de se rappeler que si ces conditions n’avaient pas été remplies, « on n’aurait pas été capable de la créer », cette organisation, souligne Anessa Kimball. Or, le monde a besoin de ce forum parce que « les États ont besoin de collaborer et d’essayer de maintenir une stabilité ».

Entendons-nous : l’ONU est forcément une institution imparfaite.

Les Casques bleus eux-mêmes ont connu des ratés dont on se souviendra longtemps. Tout particulièrement au début des années 1990, au Rwanda et en Bosnie, où se sont déroulés des génocides alors que la paix s’était effondrée, malgré la présence des militaires qui devaient la maintenir.

En somme, l’ONU a connu de douloureux échecs au cours des dernières décennies et son impuissance, face à une guerre comme celle qui se déroule en Ukraine, est évidente.

Ce n’est toutefois pas une raison de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Il ne faudrait pas oublier les réussites de l’ONU en matière de paix et de sécurité nationale, rappelle Jocelyn Coulon. « Elle a créé quelque 70 missions de paix dont la plupart ont été un succès, dit-il. Le Salvador, le Mozambique, le Timor, le Kosovo, le Cambodge, etc. »

Sans compter tout le reste du travail accompli par l’organisation internationale. « L’ONU, c’est l’économie, la société, la culture, la vaccination, etc., rappelle l’expert. Parce qu’il y a l’ONU comme organisation, mais aussi tout ce qu’on appelle le système des Nations unies, qui regroupe les grandes agences internationales comme l’UNESCO, l’Organisation mondiale de la santé et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Donc, oui, l’ONU sert à quelque chose. Et en général, le bilan est surtout positif. »