Soyez prévenus : il ne faut pas se laisser berner par l’image d’ingénue que Marilou projette. La jeune femme n’a que 31 ans. Mais après quelques minutes de discussion, j’avais déjà l’impression que son âme en avait le double. Sa voix douce et posée laisse transparaître certaines blessures, mais surtout des années de sérieuses réflexions sur la vie et une étonnante sagesse.

La chanteuse-animatrice-entrepreneure me fait remarquer, à juste titre, qu’elle est entrée sur le marché du travail à 12 ans. Ça fait presque 20 ans, donc, qu’elle roule sa bosse dans le monde des adultes. Et ses premières expériences ne furent pas des plus faciles ni des plus normales.

Dès l’adolescence, alors que sa carrière est gérée par René Angélil, Marilou chante à Paris dans d’immenses stades en première partie de Garou. Elle multiplie les allers-retours à Las Vegas plutôt que de créer des amitiés dans une cour d’école. Elle signe un contrat avec Sony pour 15 albums. Imaginez la pression sur ses frêles épaules…

Jusqu’au jour où elle accroche son micro, à 18 ans.

« Quand tu n’es pas équipée pour faire face à des stress comme ça, c’est sûr que ça te déséquilibre. Ça a fucké mon instinct. Je me faisais tellement dire que j’avais une vie de rêve, alors que mon instinct me disait tellement que je n’étais pas à ma place. Je me disais que cette voix-là, en dedans, me mentait. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Marilou

C’est la réparation, après, la consultation, la thérapie, qui fait l’entrepreneure que je suis. J’ai un gros bagage, c’est sûr.

Marilou

Visiblement, ce travail l’a amenée à réfléchir tôt et rapidement à des sujets que certains mettent une vie entière à décortiquer.

Ainsi, quand je lui demande ce qu’elle veut transmettre à ses deux filles, elle répond : « Ma soif, mon énorme soif insatiable de travail sur soi. C’est vraiment ça que je veux transmettre à mes filles. Le concept qu’on n’a jamais fini de faire le tour de soi, de se perfectionner, d’approfondir, de chercher des réponses, de guérir des vieilles affaires. Cultiver ce travail-là, j’espère que je vais le partager à mes filles parce que c’est au centre de ma vie. »

Le début de sa carrière, qui a ressemblé à un voyage organisé, aura laissé de profondes cicatrices. Aujourd’hui, son profond besoin de liberté et de latitude est nommé, exprimé, assumé.

En dirigeant sa propre entreprise, Trois fois par jour, Marilou Bourdon, de son vrai nom, a trouvé le parfait moyen pour contrôler sa destinée. Et elle y arrive de belle manière. Tout en douceur, comme le sont ses photos de biscuits et de gâteaux.

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Depuis huit ans, Trois fois par jour, mené par Marilou, croît.

Jamais n’a-t-elle fait la démonstration d’une ambition débordante. Cette retenue lui permet sans doute d’éviter les critiques et les méchancetés que d’autres nouveaux entrepreneurs issus du monde culturel ou sportif ont pu goûter. Marilou va même jusqu’à demander conseil à ses nombreux fans sur les réseaux sociaux. Cela pourrait être vu comme un manque d’aplomb. J’y vois au contraire la preuve d’un réel souci de combler les besoins de sa clientèle. Un principe de base, en affaires.

Depuis huit ans, Trois fois par jour croît. Au rythme des nouvelles idées de sa présidente qui n’en manque pas. Et de son instinct auquel elle se fie désormais. La PME emploie 15 personnes à temps plein et une dizaine d’autres ponctuellement.

Trois fois par jour, c’est une boutique à Longueuil et en ligne, où l’on retrouve des chandelles, du shampoing en barre et de la vaisselle, un site web rempli de capsules vidéo et de recettes, du prêt-à-manger vendu dans les supermarchés et des livres de recettes. Dans l’ombre, c’est aussi un service de création de contenu culinaire (recettes et photos) pour d’autres entreprises qui imposent leur propre esthétisme.

En lançant son site web, Marilou n’avait pas l’intention de créer une entreprise. Pour elle, les artistes et les gens d’affaires étaient aux antipodes. Leurs traits de caractère ne pouvaient partager la même tête. De fil en aiguille, elle constate qu’elle est capable de mener sa barque et qu’elle possède les atouts pour le faire, malgré son complexe de ne pas détenir de diplôme d’études secondaires.

« J’ai plein d’idées. Je manque juste de temps. Par exemple, je pourrais offrir un service de design de cuisines. Aurai-je assez d’une vie ? Je ne pense pas. »

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Marilou

Certes, on a parfois remis en cause ses idées de grandeur, ses compétences. « T’as 24 ans, t’es enceinte, tu lances un magazine dans un marché en décomposition, sans publicité, en papier 100 % recyclé, et tu signes un chèque pour en faire imprimer 60 000 exemplaires. C’était-tu de la naïveté ? De la folie ? Je ne sais pas. J’ai bien dormi. Mais je peux te nommer trois hommes qui n’y croyaient pas. Je l’ai fait pareil et ça a marché. »

La jeune mère de deux fillettes a tout appris sur le tas. En bûchant. Y compris la gestion financière. « Ça m’a pris quatre ans réaliser que je devais mettre mon loyer dans le coût de mes produits ! Il n’y avait personne pour me le dire ! » Aujourd’hui, elle parle avec assurance de la marge de profit de chaque produit. Mais elle continue de « haïr » la gestion des ressources humaines. Et pour ce qui est du marketing, « les promotions, ça se décide la veille, quand ce n’est pas une heure avant » en fonction de la météo ou de l’air du temps.

Malgré les risques financiers et les défis inhérents à la gestion d’une PME, Marilou reste zen. « Je ne suis jamais stressée pour mon entreprise. Je n’ai jamais pas dormi. »

Pour moi, si je perds de l’argent ou quelque chose de matériel, ce ne sera jamais aussi grave que tout ce que j’ai perdu dans mon adolescence, ce n’est pas comme scrapper l’éducation de mes enfants.

Marilou

Aujourd’hui, elle tire profit de son expérience et de son assurance pour ajouter d’autres cordes à son arc. Elle mène des entrevues tout en cuisinant avec des personnalités dans son émission Trois fois par jour & vous !, à TVA et Zeste. Et dans Autrement dit : en affaires, sur Tou. tv, elle a interviewé 10 acteurs du milieu des affaires. Un défi qu’elle a accepté pour assouvir sa curiosité, pour apprendre et grandir, explique-t-elle.

Rencontrer ces dirigeants d’entreprises aux profils variés a permis à Marilou d’assumer le fait qu’elle est une entrepreneure, raconte-elle. Elle a bien vu qu’il n’existe pas de recette universelle.

Voilà un constat apaisant, après « des années tough » pendant lesquelles elle a mis au monde deux enfants et une entreprise. « J’ai trouvé ça dur d’avancer sur deux fronts. Je ne me sentais pas mère ni entrepreneure. Je pense que j’ai un redoux dans ma vie présentement. »

On lui souhaite qu’il s’installe pour de bon.

Questionnaire sans filtre

Café : « Je n’en bois pas beaucoup, mais j’en ai besoin. Sinon, j’ai mal à la tête toute la journée ! C’est une relation de dépendance. C’est tellement mon bonheur, le matin. J’ai une machine manuelle, je capote dessus, c’est comme mon rituel. L’odeur… être en gros t-shirt slack et prendre mon café, ça fait partie des joies de ma vie. »

Un don qu’elle aimerait posséder : « Avoir une bonne mémoire. J’aimerais ça avoir une excellente mémoire. Je ne me souviens pas des noms, je ne me souviens de rien. Il faut que j’écrive tout. Mais pour ce qui est émotif, là, j’ai la mémoire béton ! Comment je me suis sentie, quelles étaient les émotions, je n’oublie rien. »

À une table, j’inviterais : « Mon grand-père. Parce qu’il a tellement été présent dans mon enfance et dans ma jeune adolescence. Il est mort quand j’avais 14 ans et honnêtement, je donnerais tout pour souper avec lui et lui dire qu’il a eu un impact énorme sur ma vie. »

Un défaut dont tu voudrais te débarrasser ? « Mon Dieu, j’ai plein de défauts ! J’ai de la difficulté à être constante dans toutes les sphères de ma vie, à être égale. Je suis comme une tornade. J’aimerais mieux être un petit vent doux. »

Ce qui la met en colère : « Deux personnes qui ont le potentiel de faire de belles choses ensemble, mais qui manquent ce rendez-vous à cause de l’ego, ou parce qu’on ne va pas au fond des choses. Il y a plein de relations qui pourraient être extraordinaires. »

Qui est Marilou ?

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Marilou dans sa cuisine

  • Marilou Bourdon est née à Longueuil, le 20 septembre 1990.
  • Son talent de chanteuse a été découvert alors qu’elle avait 11 ans.
  • Sa carrière musicale lui fait parcourir le Québec, la France et la Belgique toute son adolescence.
  • En 2013, elle crée Trois fois par jour, un site de recettes avec des capsules vidéo. Aujourd’hui, l’entreprise développe des produits pour sa boutique et les supermarchés.
  • Jusqu’ici, Marilou a lancé quatre livres francophones, best-sellers au Québec, traduits en anglais, en allemand, puis adaptés pour le marché européen.
  • Elle anime une émission de télévision diffusée à Zeste et TVA depuis septembre 2021 ainsi qu’une série documentaire sur l’entrepreneuriat, sur Tou.tv.