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Q. « Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, je me demande combien de personnes sur le bien-être social pourraient occuper des postes selon leur potentiel. Le gouvernement peut-il obliger un bénéficiaire à postuler à un poste vacant ? »

Élise Pigeon

R. Il faut se méfier des solutions faciles.

Avec la pénurie de main-d’œuvre, le Québec compte 194 000 postes vacants. Tiens donc, la province dénombre justement 294 000 prestataires de l’assistance sociale. Qu’ils se mettent au boulot et le problème sera réglé !

Euh, non… pas si vite.

Décortiquons un peu les chiffres…

Avant d’aller plus loin, soulignons une bonne nouvelle. Il n’y a jamais eu aussi peu de prestataires de l’assistance sociale. Ceux-ci représentent seulement 4,3 % de la population québécoise. Le taux est plus élevé dans certaines régions comme la Mauricie (6,7 %) et la Gaspésie (5,7 %). Mais dans l’ensemble, on est à des années-lumière des taux supérieurs à 10 % des années 1990.

Tant mieux.

Calculons maintenant ceux qui pourraient retourner sur le marché du travail.

Des 294 000 prestataires actuels, il faut d’abord soustraire environ 53 000 enfants qu’on veut voir sur les bancs d’école le plus longtemps possible.

Ensuite, il faut retrancher les 120 000 adultes qui ont des contraintes sévères à l’emploi, ce qui représente pratiquement la moitié du total.

Puis, il faut aussi enlever les 47 000 adultes qui ont des contraintes temporaires à l’emploi (par exemple, une grossesse).

Au bout du compte, il ne reste plus que 70 000 prestataires d’aide sociale qui sont aptes au travail… en théorie.

Consultez le rapport sur la clientèle des programmes d’assistance sociale

Il faut s’enlever de la tête qu’il s’agit surtout de jeunes paresseux qui n’ont simplement pas envie de travailler. C’est un mythe, car à peine 1 prestataire sur 14 tombe dans la catégorie des 25 ans et moins.

En réalité, l’âge moyen des prestataires est de 47 ans. Il s’agit de personnes peu scolarisées (seulement 10 % ont davantage qu’un diplôme secondaire) et d’analphabètes (seulement 20 % ont un niveau de littératie qui leur permet de fonctionner aisément dans la société).

Consultez le portrait des personnes à l’aide sociale

Beaucoup éprouvent des difficultés en lien avec des dépendances à l’alcool et aux drogues, ce qui n’est pas considéré comme une contrainte à l’emploi. Plusieurs ont été absents longtemps du marché du travail où ils ont subi des échecs répétés. D’autres ont des problèmes de comportement, ont un dossier criminel…

« Parfois, on pense que les prestataires ne font pas d’efforts pour trouver du travail, mais c’est plus complexe que ça », résume Virginie Larivière, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Cela ne veut pas dire qu’il faut baisser les bras. Depuis quelques années, tous les nouveaux demandeurs d’aide sociale doivent participer durant 12 mois au programme Objectif emploi, qui vise leur formation, le développement de leurs habiletés et l’intégration au marché du travail.

Il serait temps de faire une analyse en profondeur de l’efficacité de ce programme.