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Q : Les consommateurs se tournent allègrement vers le magasinage en ligne. Quel impact ce type de magasinage a-t-il sur la planète comparativement au magasinage traditionnel ? Sachant que les frais de transport facturés sont minimes et les retours, fréquents (quand c’est gratuit, pourquoi s’en priver ?), quel est l’impact global sur les GES ?

Véronique Saint-Amour

R : Mme Saint-Amour,

Vous avez raison de dire que le commerce électronique est en plein essor. L’an dernier, avec la pandémie, il a augmenté de 70 % au Canada pour atteindre 4,7 milliards de dollars.

Quels sont les impacts environnementaux de cette transformation profonde de nos modes de consommation ? Décidément, les réponses simples n’existent pas, et votre question nous a obligés à éplucher de nombreuses études contradictoires.

De façon générale, les chercheurs ont étudié trois modes de magasinage. Le premier est l’achat purement en ligne, comme acheter un livre sur Amazon. Le deuxième est l’achat physique dans une boutique réelle en « briques et mortier », comme se rendre en librairie. Le troisième est la commande en ligne faite dans une boutique qui a pignon sur rue et qui vous livre le produit (par exemple, commander un livre d’une librairie) et que les chercheurs surnomment « briques et clics ».

La performance environnementale de chaque méthode dépend de nombreux facteurs. Parmi ceux-ci, il y a la façon dont les gens se rendent dans les boutiques « briques et mortier ». Y vont-ils à pied ? En voiture ? Combinent-ils leurs courses avec un autre trajet essentiel ? Les chercheurs ont noté que ces paramètres varient beaucoup selon la culture et les pays.

La disposition des entrepôts et l’optimisation des routes par les entreprises de commerce électronique sont aussi déterminantes dans les calculs.

En 2010, une étude publiée dans la revue Logistics and Transport Focus a conclu que l’achat en ligne avait le potentiel de devenir plus vert que l’achat en boutique grâce à la possibilité d’optimiser les trajets de livraison1. Mais en 2020, des chercheurs ont contesté cette conclusion dans une étude publiée dans Environmental Science & Technology 2. Ils font remarquer que les consommateurs qui achètent en ligne commandent souvent un seul article à la fois, ce qui oblige à faire venir les produits de plusieurs entrepôts différents. Ceux qui se rendent en magasin tendent à acheter plus d’articles en une même séance.

Il faut ajouter à cela l’emballage et, comme vous le faites remarquer avec justesse, les retours. Selon certaines estimations, pas moins d’un vêtement sur trois acheté en ligne est retourné, ce qui multiplie les allers-retours et augmente donc les GES générés.

Étonnamment, la dernière étude citée conclut que la façon la plus écologique de magasiner serait la méthode « briques et clics » – donc de vous faire livrer un livre à domicile par une librairie. Cela est principalement dû au fait que les boutiques physiques sont situées plus près des consommateurs que les entrepôts de géants comme Amazon, et que les commerçants livrent souvent plusieurs commandes à la fois.

Il faut finalement souligner que les géants du commerce en ligne réagissent. Amazon, par exemple, a acheté pas moins de 100 000 véhicules électriques en 2019 afin d’abaisser ses émissions. L’utilisation de vélos-cargos pour couvrir le « dernier kilomètre » est aussi en plein essor dans plusieurs régions du monde.

Bref, il est loin d’être simple de s’y retrouver. Mais on peut dire sans se tromper que faire ses courses à pied, à vélo ou en transports en commun est un choix sûr pour minimiser les gaz à effet de serre produits par vos achats.

1. Consultez une étude sur l’achat en ligne 2. Consultez une deuxième étude