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Q : On nous répète depuis quelques années que nous sommes les champions du gaspillage de nourriture. Je me demande comment ils arrivent à comptabiliser ces quantités.

Marcel Hallé

R : C’est une excellente question. De nombreux chiffres circulent et on ne s’attarde pas souvent à la façon dont les calculs ont été faits.

L’économiste Sylvain Charlebois, qui enseigne à l’Université Dalhousie (à Halifax) et collabore aux pages éditoriales de La Presse, a évalué l’an dernier que « le ménage canadien moyen produit maintenant 2,30 kg de déchets » sur une base hebdomadaire.

Comment est-il parvenu à une telle conclusion ?

Son équipe de recherche, du Laboratoire en science analytique agroalimentaire de l’Université Dalhousie, a carrément demandé à 8272 Canadiens, en août 2020 (lors de la première vague de la pandémie), d’estimer la quantité de déchets alimentaires organiques qu’ils avaient gaspillée en une semaine.

L’équipe en a aussi profité pour poser plusieurs questions liées au gaspillage.

Ainsi, 47,9 % des foyers ont dit évaluer qu’ils gaspillaient moins de nourriture en quantité ET en pourcentage global depuis le début de la pandémie, alors que 29 % des foyers ont affirmé qu’ils gaspillaient moins de nourriture en quantité, mais pas en pourcentage global.

Il s’agissait donc, selon les estimations des chercheurs, d’une nette amélioration par rapport à ce qui se passait avant la crise de la COVID-19.

Pourtant, une étude effectuée avant la pandémie par le Conseil national zéro déchet avait évalué que les foyers canadiens gaspillent en moyenne 2,03 kg de déchets chaque semaine. Les chiffres d’août 2020 semblent donc démontrer que le gaspillage alimentaire à la maison pendant que bon nombre de Canadiens étaient confinés a… grimpé !

On voit ici qu’il est difficile de poser un verdict définitif à partir des études qui circulent, qui évaluent souvent le gaspillage en vertu de la perception.

« Les rapports sur le gaspillage alimentaire sont toujours intéressants, mais ce sont des indicateurs », explique d’ailleurs Sylvain Charlebois.

Et comment avait-on estimé le gaspillage de chaque foyer au pays avant la pandémie ?

Le Conseil national zéro déchet signale qu’on a demandé aux divers foyers participants de tenir un journal de bord au sujet de la composition de leurs déchets. Son modèle a également été alimenté par « des études sur la composition des déchets réalisées par plusieurs municipalités canadiennes ».

Autre chose à considérer : plusieurs des études utilisent le mot gaspillage pour désigner à la fois les déchets évitables (qu’on perd parce qu’ils n’ont pas été mangés) et les déchets inévitables (comme les coquilles d’œufs).

N’oubliez pas non plus qu’on parle, dans les études citées ici, uniquement du gaspillage observé dans les résidences au pays.

On sait fort bien qu’ailleurs, notamment dans les secteurs de la vente au détail, de l’agriculture et de la restauration, le gaspillage est aussi un problème sérieux, à la fois embarrassant et coûteux.

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec indique qu’au pays, 53 % du gaspillage alimentaire est attribuable à « l’industrie », contre 47 % aux ménages.

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Il n’est donc pas toujours facile de s’y retrouver. On remarque néanmoins une constante : toutes ces études démontrent que nous gaspillons encore beaucoup trop de nourriture.