La langue française évolue à une vitesse folle. Chaque semaine, notre conseillère linguistique décortique les mots et les expressions qui font les manchettes ou qui nous donnent du fil à retordre.

Même si les expressions nous font parfois rire comme un peigne, il va sans dire que l’on ne doit pas suivre sa pente et plutôt les distribuer au compte-gouttes, sinon on risque de se faire descendre en flammes.

On ne doit pas seulement faire preuve de retenue, il faut aussi comprendre les expressions, savoir, par exemple, que l’œil du cyclone est une zone calme ou que la demeure est un retard et non un domicile dans l’expression péril en la demeure.

Alors, doit-on écrire sabler le champagne ou sabrer le champagne ? Pourquoi pas les deux ? Les journalistes qui emploient le verbe sabler reçoivent presque toujours des messages leur signalant qu’ils ont fait une erreur. Ce n’est pourtant pas le cas, s’ils voulaient dire qu’on célébrera un évènement en buvant du champagne. L’équipe espère sabler bientôt le champagne.

L’expression sabrer le champagne existe aussi, mais elle signifie qu’on ouvre une bouteille d’un coup sec à l’aide d’un sabre, ce qui n’est pas si commun (le chef Martin Picard l’a déjà fait). On peut aussi le faire avec un couteau, les vidéos expliquant comme s’y prendre ne manquent pas. On peut donc sabrer le champagne avant de le sabler.

C’est que le verbe sabler ne signifie pas seulement « couvrir de sable ». Il a déjà eu le sens d’« avaler d’un trait », plutôt perdu de nos jours. Les dictionnaires nous expliquent qu’en fonderie, l’expression jeter en sable signifiait couler dans un moule de sable. On avale son champagne comme on fait couler du métal en fusion dans un moule.

Raymond Queneau s’est amusé avec les deux sens du verbe sabler en écrivant, dans Le vol d’Icare : Ils sablent un champagne qui leur crisse sous la dent.

Courrier

Route barrée

Question : Pourquoi utilise-t-on le mot « barrée » sur les panneaux qui indiquent que la route ou les trottoirs sont fermés à la circulation ? En anglais, on utilise, avec raison d’ailleurs, road closed (fermée) et non road locked (barrée) ?

Réponse : Il est tout à fait correct d’employer l’adjectif barré au sens de « fermé à la circulation ». L’anglais closed se traduit bien par barré en ce sens (Robert & Collins, Larousse).

Le Robert indique à l’entrée barré : « Fermé par une barre, des barreaux, un barrage, une barrière, etc. » Rue barrée. Dans le Larousse, on lit à barrer : « Fermer un passage au moyen d’un obstacle, d’une barrière, etc. » Être fermée, interdite à la circulation, en parlant d’une voie… La gendarmerie avait barré la route.

Pourquoi choisit-on barré plutôt que fermé à la circulation ? L’Office québécois de la langue française fournit l’explication suivante : « Route barrée est le terme qui figure sur les panneaux de signalisation du ministère des Transports du Québec. Il permet de préciser que l’on ferme la route délibérément, par l’ajout d’un obstacle physique.

« Dans les cas où la circulation est interdite définitivement ou encore si elle l’est temporairement en raison de conditions météorologiques rendant la visibilité nulle ou la chaussée enneigée, c’est-à-dire sans l’ajout délibéré d’une barrière ou d’un autre obstacle physique, on parle de route fermée. »

Cependant, on dira plutôt qu’une porte est verrouillée ou fermée (à clé), et non barrée. Le Larousse indique que barré est familier en ce sens, mais d’autres ouvrages considèrent qu’il s’agit d’un anglicisme. On peut dire que l’on barre une porte si on entend par là qu’on la ferme avec une barre (aussi appelée bâcle).

Vous avez des questions sur la langue française ? Posez-les à notre conseillère linguistique.