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Q : Dans un éditorial portant sur le glyphosate, vous écrivez que le Centre international de recherche sur le cancer estime que cet herbicide est probablement cancérigène. Vous écrivez aussi que cet avis est « minoritaire ». Qu’entend-on exactement par-là ?

Karen Messing, professseure émérite en sciences biologiques, Université Laval

R : Le glyphosate, l’herbicide le plus vendu au monde, déchaîne toujours les passions. Et quand Santé Canada a publié une proposition pour en hausser les limites de résidus permises sur plusieurs aliments, les réactions ont été nombreuses.

Lisez notre éditorial à ce sujet

Plusieurs commentaires indiquent que le glyphosate est « probablement cancérigène » selon le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). En écrivant que cet avis est « minoritaire », nous voulions indiquer qu’au moins une douzaine d’autres agences qui ont étudié la même question sont arrivées à des conclusions contraires.

C’est notamment le cas de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. De l’Organisation mondiale de la santé et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (dans un avis commun). De l’Environmental Protection Agency (États-Unis). De l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (France). De l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (Canada).

Le CIRC est une organisation crédible et son avis est à prendre au sérieux. Mais on peut déplorer le fait qu’on ne mentionne presque jamais les autres quand on fait le procès du glyphosate. Ils font pourtant partie de « l’ensemble de la preuve », comme diraient les avocats.

Il faut aussi se rappeler que le CIRC s’est prononcé sur le fait que le glyphosate puisse être cancérigène, peu importe la dose. Il n’a pas analysé le risque qu’il pose dû à l’exposition réelle par l’entremise des aliments.

Pour arriver à leurs conclusions, les agences et centres de recherche épluchent des centaines d’études. On entend souvent que les agences qui n’ont pas conclu à la dangerosité du glyphosate ont considéré des études financées par Monsanto, l’entreprise qui a originalement développé le glyphosate, et qu’elles ont donc été « achetées ».

Au Québec, l’affaire Louis Robert a illustré l’influence des lobbys industriels sur le monde agricole. La saga des « Monsanto Papers » a aussi montré que l’entreprise a fait signer certaines recherches effectuées à l’interne par des chercheurs « prête-plume » pour leur donner une aura de crédibilité – une pratique à dénoncer.

Il n’est donc pas question de donner le bon Dieu sans confession à Monsanto ou à l’industrie agrochimique ni de nier les conflits d’intérêts. Mais la tendance à rejeter toute étude ou analyse qui ne montre pas le caractère dangereux du glyphosate en criant systématiquement à la corruption est exagérée et agaçante.

Disons que nous sommes ici devant un débat scientifique complexe dont les nuances, malheureusement, se perdent trop souvent.