(Tokyo) Les Jeux olympiques, c’est du sport. Pour les athlètes, bien sûr, mais aussi pour les journalistes. Car en marge de la couverture des compétitions, il y a tout un travail logistique qui étire nos journées de 5 h 30 à minuit.

La journée type de mes collègues Yves Boisvert, Bernard Brault, Simon Drouin et moi, à Tokyo, commence un peu avant 6 h. Au lever, nous crachons 1,5 ml de salive dans une éprouvette. C’est notre test de dépistage contre la COVID, que nous déposerons plus tard sur un site de compétition.

Nous devons ensuite remplir un questionnaire médical et indiquer notre température dans une application dédiée. Qu’arrive-t-il en cas d’oubli ? Le Comité organisateur nous envoie une première alerte à midi. Une deuxième à 15 h. Une troisième à 18 h.

Après le déjeuner à l’hôtel, nous prenons une navette, qui nous mène à un terminus en 30 minutes. De là, nous embarquons dans un autre autobus vers la destination de notre choix : ou bien le centre des médias, ou bien un site de compétition. Plusieurs navettes ne passent qu’une fois toutes les 60 minutes. Il faut donc planifier nos déplacements pour arriver à temps. De l’hôtel au complexe de natation, par exemple, le trajet peut prendre jusqu’à 90 minutes.

Pourquoi ne pas prendre un taxi ou le métro, alors ?

Parce que c’est interdit. Lors de nos 14 premiers jours à Tokyo, comme nous sommes en quarantaine, nous ne pouvons pas côtoyer la population japonaise. Nous sommes obligés de nous déplacer avec des transports réservés à la famille olympique. Nous sommes rendus au septième jour de notre quarantaine. Soyez assurés que nous comptons les dodos avant le quatorzième.

Au stade, il y a deux contrôles : un sanitaire et un sécuritaire. C’est rapide. Nous devons ensuite confirmer notre présence, puis nous battre pour obtenir l’une des rares places disponibles dans la zone mixte. Ça, c’est notre passeport vers un bon article.

La zone mixte est un enclos dans lequel nous pouvons poser nos questions aux athlètes directement après leur performance. Or, en raison de la distanciation physique exigée par les autorités sanitaires, les places sont limitées.

Pour les finales de natation, par exemple, il n’y a que trois laissez-passer pour les journalistes canadiens, si l’on exclut les reporters de Radio-Canada. Simon doit donc arriver plusieurs heures avant le début des épreuves pour espérer mettre la main sur l’une d’elles, que l’on chérira comme si c’était une carte recrue de Wayne Gretzky.

S’il n’y parvient pas, il a quand même accès aux médaillés. Mais pas aux autres athlètes. (Simon s’en tire toujours, car il a les numéros de téléphone de tous les athlètes, leurs parents, leurs grands-parents, leurs amis et leurs colocs).

Après la compétition, notre photographe Bernard envoie ses clichés du complexe sportif. Yves, Simon et moi avons trois options : écrire au stade, au centre de presse principal ou à l’hôtel. En fait, il y en a une quatrième : dans l’autobus, en route vers notre affectation suivante.

Normalement, nous couvrons deux ou trois événements par jour. Un le matin, un l’après-midi et un le soir, s’il y a un Canadien impliqué dans une finale. Notre défi, c’est le décalage horaire de 13 heures avec le Québec. Ou bien nous travaillons sous la pression de l’heure de tombée de La Presse+. Ou bien les compétitions se déroulent durant la nuit à Montréal.

Dans ces cas, nous écrivons une version rapide pour le site web et nous retravaillons notre texte pour l’édition qui se retrouvera sur vos tablettes le lendemain. Comme les lecteurs connaissent déjà les résultats depuis longtemps, nous devons trouver un angle original pour rester pertinents. C’est pourquoi, dans ma chronique sur la joueuse de tennis Leylah Annie Fernandez, j’ai insisté sur son expérience dans la Village olympique plutôt que sur sa partie de premier tour.

Lors de nos déplacements, nous planifions aussi les journées suivantes. Nous devons réserver nos sièges avant 16 h, la veille de la compétition. C’est une grosse contrainte. Ça implique que nous devinions les surprises des athlètes canadiens. Car si un judoka québécois bat un favori le matin et se qualifie pour la finale en soirée, nous ne pourrons pas assister à son combat à moins d’avoir prévu le coup la veille.

Et les repas, dans tout ça ?

Pour encore une semaine, tous les restaurants de Tokyo nous sont interdits, sauf ceux des centres de presse et celui de l’hôtel. Heureusement, il y a de la variété, et l’on y mange très, très bien.

Vous aurez compris que la couverture des Jeux olympiques, ce n’est pas un sprint. C’est plutôt un steeplechase — avec des haies et des obstacles. Mais chaque instant vaut la peine d’être vécu pleinement.

Nous sommes privilégiés d’être aux premières loges des performances historiques. Des records personnels. Des grandes victoires. Des défaites crève-cœur. Privilégiés de pouvoir vous amener dans les coulisses des Jeux et de vous raconter les histoires derrière les résultats.