(Tokyo) Aux Jeux olympiques, il y a les vedettes qui attirent les flashs. Naomi Osaka. Simone Biles. Andre De Grasse. Mais il y a aussi des milliers d’athlètes qui évoluent dans un anonymat relatif. Comme les escrimeurs. Les cavaliers. Les tireurs à l’arc. Les spécialistes de la voile.

C’est même le cas dans un sport très populaire, comme le tennis. Samedi après-midi, je me suis rendu au complexe Ariake pour assister au match de premier tour de la Lavalloise Leylah Annie Fernandez. La partie était présentée sur un terrain secondaire. Le numéro 6. Dans le labyrinthe qui y mène, tous les magasins de souvenirs, les restaurants et les kiosques pour les commanditaires sont fermés, virus oblige. Sur le chemin, je croise seulement des bénévoles, ainsi que trois joueuses qui déambulent comme des zombies, exténuées d’avoir joué une heure au gros soleil. Sur la surface de jeu – en béton –, il fait tellement chaud qu’on pourrait faire cuire un œuf. Et quelques tranches de bacon.

Le terrain numéro 6 n’est pas précisément le court central de Wimbledon. Il n’y a que trois rangées de sièges. Pas de véritable tribune pour les journalistes de la presse écrite. J’ai pris place dans la première rangée. En plein centre, pour profiter de l’ombre projetée par un parasol. J’ai compté le nombre de gens dans le stade. Nous étions 23. Joueuses, arbitre et chasseurs de balles inclus.

Mais l’absence de spectateurs n’a pas freiné les ardeurs et l’enthousiasme de Leylah Annie Fernandez (72mondiale) et de son adversaire, l’Ukrainienne Dayana Yastremska (46e).

Il y avait quelque chose de beau, de pur, de romantique dans le fait de voir les deux joueuses se démener sous le soleil pendant deux heures, devant pratiquement personne, pour avoir le privilège de prolonger leur expérience olympique de quelques jours.

Fernandez a remporté la première manche, 6-3. Yastremska, la deuxième, 6-3 aussi. Dans la troisième manche, Fernandez s’est mise en mode turbo et a réglé ça en quelques minutes, 6-0.

Après la rencontre, la joueuse québécoise était radieuse. Fière de sa performance. Et contente de pouvoir rester au moins 48 heures de plus dans le Village des athlètes. Elle savoure chaque instant de son séjour ici.

« Toute la dernière semaine a été mémorable, a-t-elle confié. J’ai pris tellement de photos, je pense que mon téléphone est sur le point d’exploser ! »

Pour les joueuses de tennis, habituées à la solitude sur la route, les JO, c’est un gros party. Une rare occasion (à part les Coupes Davis et Billie Jean King) de faire partie de quelque chose de plus grand. D’un tout. D’une équipe.

J’aime qu’il y ait beaucoup de personnes. Qu’on puisse se parler. Se rencontrer. J’aime apprendre le passé et l’histoire des autres athlètes canadiens. J’aime pouvoir me faire d’autres amis.

Leylah Annie Fernandez

Lors de son arrivée à Tokyo, la semaine dernière, Fernandez était seule dans son appartement.

« Je pensais que ça allait rester comme ça. Mais deux jours plus tard, quatre gymnastes sont arrivées. Puis une athlète de BMX. Ça, c’est une épreuve qui m’intéresse beaucoup. En plus, les compétitions sont juste à côté [du stade de tennis]. J’aimerais bien la voir s’entraîner et faire sa compétition. Mais avec les restrictions, on n’a pas le droit… 

– Fraternisez-vous ?

– C’est difficile, à cause de l’horaire des entraînements. Quand j’arrive dans la chambre, elles sont parties. Quand moi je pars, elles sont en train de dormir. C’est plus amusant pendant le dîner. Là, je peux manger avec d’autres Canadiens. C’est plaisant de les rencontrer. De les entendre parler de leur discipline. De savoir ce qu’ils font après le sport aussi. »

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Les athlètes canadiens lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, vendredi

Vous aurez compris que Leylah Annie Fernandez, qui n’a que 18 ans, profite de chaque moment de ses premiers Jeux olympiques. Elle a même insisté pour assister à la cérémonie d’ouverture, vendredi soir, même si elle amorçait son tournoi samedi matin. Ce qui est très rare chez les athlètes. D’ailleurs, dans toute la délégation canadienne présente lors du défilé, à peine trois athlètes étaient en action le lendemain : Leylah Annie Fernandez, Sharon Fichman et Gabrielle Dabrowski. Trois joueuses de tennis.

« J’étais très contente de pouvoir aller à la cérémonie, indique-t-elle. Je veux vivre l’évènement pleinement. À 100 %. Après [le défilé], je n’avais plus trop d’énergie. Je suis revenue immédiatement dans ma chambre pour dormir. Mais [samedi] matin, ça m’a donné [un élan] d’enthousiasme. Ça m’a permis de mieux jouer, et de pouvoir rester ici une autre journée. 

« Honnêtement, c’est une des plus belles journées de ma vie. Je vais toujours m’en souvenir. Après ma victoire, j’avais un bon feeling. J’étais contente. Je ne pense pas que je serai capable d’arrêter de sourire dans les prochaines heures ! »

Prochain match : dans la nuit de dimanche, heure de Montréal, contre la Tchèque Barbora Krejčíková, gagnante de trois tournois depuis mai, dont Roland-Garros.

Défense impeccable, attaque déficiente

Après le tennis, déplacement vers le centre de water-polo, où les Canadiennes affrontaient les Australiennes. Ça s’annonçait difficile. Ce le fut. Les Australiennes, très physiques, n’ont jamais tiré de l’arrière. Elles ont gagné 8-5.

PHOTO KACPER PEMPEL, REUTERS

Monika Eggens, du Canada, et Bronte Halligan, de l’Australie, se battent pour le ballon dans la piscine.

Malgré la défaite, les représentantes de l’équipe canadienne étaient loin d’être abattues. « On a réussi à les faire jouer en zone plus que n’importe qui pourrait le faire, a expliqué l’entraîneur-chef David Paradelo. Défensivement, huit buts contre l’Australie, c’est excellent. Offensivement, cinq buts, ce n’est pas assez. Il faut qu’on en fasse plus. »

La Montréalaise Joelle Bekhazi, qui donne toujours l’heure juste, a confié que la nervosité avait joué un rôle dans la défaite. « Ce sont nos premiers Jeux [depuis 2004]. On était toutes un peu anxieuses au début du match. Avec le temps, on était plus à l’aise. Il n’y a que du positif à venir. [Limiter] les Australiennes à huit buts, c’est vraiment un bon succès pour nous. Mais on n’a pas [complété] nos occasions de marquer. D’habitude, on lance vraiment mieux que ça. Vous allez voir ! »

Heureux d’un typhon

Déjà que les organisateurs des Jeux en ont plein les bras – et la tête – avec le virus, voilà qu’une autre calamité menace de s’abattre sur Tokyo.

Un typhon.

Selon les prévisions, la tempête tropicale Nepartak touchera terre au nord de Tokyo, en début de semaine. Rien de majeur. On parle de pluie et de vents de 75 km/h. Ça risque quand même de compliquer la tâche des triathloniens, qui doivent nager en eaux libres.

Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres, non ? Il y a un petit groupe d’athlètes qui accueille avec enthousiasme le typhon : les surfeurs, contraints de s’entraîner sur des vaguelettes depuis quelques jours. Pour citer l’Australien Owen Wright : « La houle s’en vient, let’s go ! »