Un résumé de l’étude relayé par un média américain avait attiré mon attention il y a plus d’un an. Il mentionnait que l’espérance de vie aux États-Unis avait chuté pendant trois années consécutives de 2014 à 2017, une tendance surprenante qui n’est tout simplement pas censée survenir dans un pays aussi riche.

En me plongeant dans le sujet, j’ai découvert que la Virginie-Occidentale était l’un des endroits où la baisse en question était la plus importante.

L’implosion de l’industrie du charbon, qui a longtemps été le moteur de l’économie locale, pousse des milliers de travailleurs au chômage et fait monter en flèche le nombre de suicides et d’overdoses dans l’État.

À l’évidence, le projet de mettre cette réalité en évidence n’allait pas être une partie de plaisir.

Je n’ai pas tardé à en avoir la confirmation en assistant peu après mon arrivée dans la capitale Charleston à la mi-septembre, à une séance de distribution illégale de seringues près d’un centre commercial à l’abandon.

Des dizaines de toxicomanes attirés par la promesse d’aide sont arrivés à pied de partout à la fois. Leurs regards offraient une triste fenêtre sur les ravages perpétrés par l’héroïne dans la région.

À quelques dizaines de kilomètres de là, la crise a pris pour moi un tout autre visage le soir-même. Celui de Brynn, une jeune fille de cinq ans, véritable bombe d’énergie qui a grimpé habilement sur le toit de la Jeep de ses parents pour mieux m’observer lorsque je me suis présenté à la résidence famille.

Ses parents, Nikki et Louisa, l’ont récupérée alors qu’elle avait deux mois. Fille d’une mère toxicomane, elle était dépendante aux opiacés à sa naissance et a dû surmonter un difficile sevrage en commençant sa vie.

Le couple, qui s’occupait déjà de sept autres enfants retirés à leurs parents, lui a prodigué soins et affection, refusant de baisser les bras dans un environnement propice au découragement.

Quelque chose du sourire de Brynn me faisait penser à celui du chat dans Alice au pays des merveilles qui demeure visible longtemps après que l’animal a tiré sa révérence.

Plus que la misère que j’ai vue un peu partout en Virginie-Occidentale, c’est la résilience incarnée par cette fillette que je garderai en tête.