Michel Côté et Patrick Huard ont dominé le box-office estival québécois. De père en flic 2, une réalisation d'Émile Gaudreault, et Bon Cop Bad Cop 2, réalisé par Alain DesRochers, occupent respectivement les première et deuxième positions du palmarès, et surclassent ainsi toutes les superproductions hollywoodiennes sorties sur nos écrans au cours des derniers mois. Les parts de marché du cinéma québécois pendant la belle saison ont atteint 17,9 %, un score exceptionnel. Conversation croisée avec les deux vedettes.

Michel, qu'avez-vous pensé de Bon Cop Bad Cop 2 et comment expliquez-vous son succès? Patrick, on vous pose la même question: qu'avez-vous pensé de De père en flic 2 et comment expliquez-vous son succès?

Michel Côté: J'ai été surpris, vraiment. Le scénario est très captivant, très divertissant. Avec Colm [Feore], Patrick forme vraiment un duo d'enfer, au point où j'en ai même été un peu jaloux, ce qui est habituellement bon signe. Ce film est très réussi sur le plan technique aussi. On aurait dit un film doté d'un budget de 25 millions de dollars! L'humour était aussi formidable et je sais à quel point il est difficile de faire rire. Tout fonctionne. Patrick, j'ai été agréablement, positivement, et, de façon très constructive, jaloux de ton succès!

Patrick Huard: J'avais aimé De père en flic, mais j'ai préféré le deuxième. Même si le film est construit sur le même canevas que le premier, on amène le duo père et fils plus loin dans sa relation. En plus, la brochette d'acteurs est très impressionnante et rien ne me plaît davantage que de voir de grands acteurs jouer dans une comédie. J'ai aussi été saisi par les ruptures de ton très rapides. Tout se déroule à une vitesse inouïe, sur un rythme endiablé, toujours le pied dans le tapis, et ça marche. Les répliques en forme de punch sont bien encastrées dans le dialogue. Et puis, Louis-José [Houde] est super bon. Je sais ce que c'est d'être humoriste et d'arriver sur un plateau entouré de pointures. Ça peut être intimidant. Louis-José est touchant et vrai. Je suis ravi du succès de ce film.

Patrick, vous avez visiblement cherché dans votre scénario de Bon Cop Bad Cop 2 à emprunter une direction différente de celle du premier film. En revanche, la formule de De père en flic 2 est pratiquement identique à la première. Les deux approches se sont révélées des formules gagnantes...

Michel Côté: Pour ceux qui ont vu Père fils thérapie! quelques mois auparavant, le remake français du premier film, il est certain qu'il pouvait y avoir un aspect redondant quand De père en flic 2 est arrivé. En même temps, les histoires de couples sont inépuisables. À la lecture du scénario, je ne cache pas avoir trouvé mon rôle moins intéressant parce que j'avais vraiment beaucoup aimé les répliques que j'avais à dire dans le premier. Je trouvais que là, j'en avais moins à faire. C'était du moins le sentiment que je ressentais au tout début. J'en ai fait part à Émile [Gaudreault] qui m'a dit que, non, tout ça était dans ma tête ! Le personnage vieillit, il est sur la pente descendante, et le film raconte ça aussi. De toute façon, je dis oui à Émile tout de suite, même sans avoir lu de scénario. Si jamais il songe à De père en flic 3, ce qui m'étonnerait beaucoup, je serais partant, mais il faudra changer la recette, je crois.

Patrick Huard: Moi, dès la première lecture, j'ai accepté le rôle ! (rires). J'espère un Bon Cop Bad Cop 3. J'ai plein d'idées et les possibilités sont nombreuses. J'aimerais pouvoir m'y atteler assez rapidement. Après avoir attendu 10 ans pour le numéro 2, je souhaiterais maintenant battre le fer pendant qu'il est chaud, pour voir ce que ça donne.

Il y avait longtemps qu'on avait vu au Québec des succès populaires de cette envergure. Louis Cyr, l'homme le plus fort du monde est le dernier en lice avec des recettes de plus de 4 millions de dollars. De père en flic 2 et Bon Cop Bad Cop 2 ont franchi la barre des 6 millions de dollars. Le succès populaire passe-t-il obligatoirement par la formule des suites?

Michel Côté: J'espère que non! Les premiers volets de ces deux films-là ont fait de plus gros scores encore et, pourtant, ils étaient tout à fait originaux. Quand est arrivée l'idée de De père en flic 2, j'étais convaincu qu'on ne ferait probablement pas la moitié du box-office du premier. J'avoue que devant l'ampleur du succès du numéro 2, je tombe un peu en bas de ma chaise. En tant qu'acteur, il ne faut pas bouder son plaisir non plus. J'ai fini par dire oui à une suite de Cruising Bar 20 ans plus tard, même si je savais que ça allait être plus difficile. Faire un bon film qui ne marche pas, c'est plus facile que de faire un bon film qui marche.

Patrick Huard: Non, il faut en faire d'autres. Contrairement à ce que bien des gens croient, j'estime qu'il faudrait faire encore plus de films au Québec. De tous les genres.

Il s'adonne que cet été, deux bonnes comédies ont été présentées au public coup sur coup, en obtenant un égal succès.

Patrick Huard: On dit toujours qu'au Québec, les shows d'humour fonctionnent très bien. La réalité est qu'on présentera 17 spectacles d'humoristes au cours de l'automne. Forcément, il y aura quatre mégasuccès, quatre autres que les gens auront aussi envie de voir, et d'autres dont on parlera moins parce qu'ils ont moins bien fonctionné. Personne n'ira pourtant remettre le système en cause parce qu'il y a du volume. Au cinéma, nous sommes condamnés au succès. La moyenne au bâton doit être autour de 800 si on ne veut pas se faire dire que ça n'a pas de bon sens.

Michel Côté: On évolue aussi dans un contexte tout à fait différent. L'offre est incroyable et tout est à notre portée instantanément, sans avoir à sortir de chez soi. Il est certain que cette nouvelle réalité a un effet sur le box-office. La preuve: tout le monde dit que Bon Cop Bad Cop 2 et De père en flic 2 sont meilleurs que les films originaux et pourtant, ils n'atteindront pas les 10 millions de recettes au box-office comme en 2006 et 2009.

Aviez-vous le sentiment que le public québécois n'affectionnait plus son cinéma national depuis quelques années? Qu'il était à reconquérir en quelque sorte?

Michel Côté: Demander à des gens d'aller voir un film québécois parce qu'il est québécois n'est certainement pas la bonne façon de le reconquérir. Il faut plutôt s'attarder à trouver de bonnes histoires, bien écrites, qui risquent de les intéresser. Il faut investir dans la formation de scénaristes et la qualité des scénarios, faire des films de tous styles, et essayer de trouver un meilleur équilibre entre les films d'auteur qui nous font honneur dans les festivals, et les films à vocation plus populaire.

Patrick Huard: Il faut retrousser ses manches. Notre travail est de trouver des histoires et de faire des films que les gens auront envie d'aller voir, quitte à les convaincre un par un s'il le faut. On a l'avantage du terrain. On ne peut pas se permettre de se la jouer non plus parce qu'on vient de connaître un succès, ni, surtout, reprocher aux gens de ne pas aller voir les films.

Faire des films de genre ou d'action exige cependant des budgets plus considérables, auxquels les artisans québécois n'ont pas toujours accès. Quelle est la solution?

Michel Côté: Comme l'a écrit Émile Gaudreault récemment, il est temps d'allouer des crédits supplémentaires au monde du cinéma parce que l'enveloppe est la même depuis très longtemps. Par rapport au reste du Canada, nos budgets sont moins importants alors que leurs films attirent des publics confidentiels. Il est aussi faux de dire que le contribuable y perd au change, au contraire. Un dollar investi en cinéma est très rentable.

Patrick Huard: Le talent est là. Les jeunes regardent aller Denis Villeneuve, Jean-Marc Vallée et Xavier Dolan et ça les inspire. Encore faut-il avoir les moyens de développer leur potentiel. Notre volume de production ne nous permet pas d'aller au bout de ces talents-là. À mon avis, c'est un sacrilège.

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Bon Cop Bad Cop sera en vente en DVD/ Blu-ray le 10 octobre.


Du 29 septembre au 5 octobre, les spectateurs pourront obtenir deux billets au prix d'un pour les séances de De père en flic 2, toujours à l'affiche.