Aux premiers rangs mondiaux dans l'animation, la France est à la traîne dans les effets spéciaux numériques, devenus incontournables dans le cinéma. Avec de nouvelles mesures fiscales et un plan sur trois ans pour développer le secteur, annoncé mardi, elle espère bien rattraper son retard.

Aujourd'hui, les longs métrages sans effets visuels sont rares, qu'il s'agisse de retouches minimes - effacer des détails par exemple - ou d'un élément clé du film, comme dans Valérian et la Cité des mille planètes, le prochain Luc Besson, dont les 2734 effets coûteront quelque 100 millions d'euros, soit la moitié du budget total.

En France, les écoles - souvent les mêmes que dans l'animation - sont excellentes, formant des talents reconnus.

Mais ceux-ci ont tendance à quitter la France et l'activité dans le secteur, qui a connu son apogée dans les années 2005-2010, est aujourd'hui faible, comme l'explique le rapport Gaillard remis en juin au Centre national du cinéma (CNC).

Le chiffre d'affaires du secteur - réalisé par une soixantaine d'entreprises, surtout des PME, avec en tête Buf, Mac Guff et Mikros Image - s'élève à 80 millions d'euros, dont l'essentiel dans la publicité. Seuls 15 millions d'euros sont dépensés dans le cinéma, soit moins de 1,5% du coût de l'ensemble de la production française, selon ce rapport.

De plus, 42,4% des effets visuels français (hors Valérian) étaient délocalisés à l'étranger en 2016, selon la Fédération des industries du cinéma (Ficam), principalement vers la Belgique et le Canada, plus attractifs fiscalement.

Les gros contrats mondiaux, eux, se dirigent principalement vers la Nouvelle-Zélande, le Canada, les États-Unis ou le Royaume-Uni.

Des contrats internationaux à venir

Face à ce constat, la France a décidé d'agir, avec une mesure entrée en vigueur au 1er janvier qui devrait avoir un effet de levier: les productions étrangères pourront désormais bénéficier du crédit d'impôt international à partir d'un seuil de dépenses 250 000 euros, contre un million d'euros jusque-là.

Cette mesure devrait profiter aux industries techniques, réunies jusqu'à mercredi pour le Paris Image Trade Show, et en premier lieu aux entreprises d'effets spéciaux. Alors que leurs contrats dépassent rarement un million, elles n'ont en effet que très peu bénéficié du crédit d'impôt, relevé de 20 à 30% début 2016, comme Buf qui va travailler sur Blade Runner 2049 et la nouvelle saison de Twin Peaks.

Elles espèrent désormais remporter davantage de contrats pour des blockbusters étrangers. «Il y a des talents en France, que les gens vont venir chercher, et on va devenir de plus en plus compétitifs. Donc forcément, ça va ramener de l'activité», souligne David Danesi, patron de Digital District, qui a travaillé sur Jackie de Pablo Larrain.

«Cela va créer un cercle vertueux en faisant venir ici de grosses productions anglo-saxonnes ou chinoises, qui permettront aussi de garder des talents en France», renchérit Rodolphe Chabrier, président de Mac Guff Ligne. «On en verra les résultats, on l'espère tous, d'ici quelques mois».

Pour relancer cette industrie, fortement créatrice d'emplois, le CNC a décidé également le lancement d'un vaste plan sur trois ans, destiné d'abord à faire mieux rentrer les effets spéciaux dans la culture française, plus orientée vers un cinéma d'auteur naturaliste.

Pour cela, le CNC veut donner aux effets spéciaux une meilleure place dans les écoles de cinéma et encourager les productions qui y ont recours, avec la création d'une nouvelle aide, faisant passer le soutien du CNC à la filière de 6 à 9 millions d'euros.

Il veut aussi accompagner la structuration industrielle du secteur, avec notamment la possibilité pour les entreprises de bénéficier de garanties de prêts et de prêts participatifs de l'IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles).

«Notre ambition avec ce plan pour les effets spéciaux est de faire de la France un leader mondial dans ces nouvelles technologies de l'image», souligne la présidente du CNC Frédérique Bredin.