Au cinéma, on a pu voir de la banlieue les maisons uniformément alignées le long des rues, aussi grandes et propres que leurs propriétaires sont conformistes et étroits d'esprit (Que Dieu bénisse l'Amérique, ou, prochainement, L'âge des ténèbres). Dans son premier long, actuellement en tournage, le réalisateur Maxime Giroux, connu pour ses courts (Les jours) et ses clips (Dumas, Sam Roberts, Corneille) regarde la banlieue, côté classe moyenne. Sans cynisme, ni préjugés.

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La scène se déroule dans un petit 3 1/2 en demi sous-sol de Laval. Dedans, ce n'est ni beau ni moche, juste quelconque. L'immeuble en briques évoque le nord de Montréal plus que les maisons monstres qui poussent dans les nouvelles banlieues.

«J'ai toujours eu un préjugé défavorable sur la banlieue; mais je voulais aimer mes personnages. Je ne voulais pas faire quelque chose de cynique», explique Maxime Giroux, rencontré sur le plateau de tournage de son premier long métrage autrefois appelé Sophie, intitulé provisoirement Tellement les rues sont longues.

Tellement les rues sont longues parlera de banlieue, d'ennui, mais aussi d'amour. Le film suit le quotidien fort banal de Sophie, une jeune femme d'une vingtaine d'années. Sa vie est coincée entre un père, diabétique et alcoolique, et un petit ami plutôt insignifiant.

«Quand j'ai écrit ce scénario, je voulais vraiment faire un film sur le don de soi d'une fille. Elle donne beaucoup, mais reçoit peu, dit Alexandre Lafferière, scénariste et complice de longue date de Maxime Giroux. C'est une fille qui subit beaucoup l'individualisme des hommes.»

Quand l'idée du long métrage a germé dans l'esprit de ses créateurs, Maxime Giroux imaginait un film réaliste. «Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas faire un film réaliste parce que ce n'est pas mon point de vue. Je me suis détaché du réalisme. Ça tombe bien: les locations ne sont pas très intéressantes. Ça crée une distance avec la réalité», dit-il.

Pas documentaire, le film de Maxime Giroux se penche pourtant sur une réalité: celle du Québec d'aujourd'hui. Sur le sujet, le réalisateur n'a pas la langue dans sa poche.

«On est dans un moment de notre histoire artistique où on est tellement confortables qu'on a besoin d'aller à l'extérieur. Certains vont dans d'autres pays, nous, notre autre pays, c'est Laval», dit-il.

Faire un film sur une existence banale est une tendance qui se propage (mentionnons Continental, un film sans fusil, de Stéphane Lafleur). Maxime Giroux a son explication sur le phénomène: «Il ne se passe plus grand-chose au Québec. Vu qu'il ne se passe plus grand-chose, soit on fait des histoires à l'américaine, soit des films sur la banalité», juge-t-il.

Quelque chose de moins banal en revanche: la démarche de Maxime Giroux et de son producteur Paul Barbeau (le producteur de clips fait aussi son premier long). Le casting composé en majorité d'acteurs assez peu connus du grand public: Eugénie Beaudry (Sophie), le chanteur des Vulgaires Machins Guillaume Beauregard (Jérôme, le petit ami de Sophie) et Serge Houde (le père de Sophie).

«On avait envie de faire un film hors norme. On avait envie que le spectateur puisse croire à 100 % aux personnages. On est allés cherchés des personnages peu connus du grand public», explique Maxime Giroux.

Autre originalité: le film, doté d'un budget de 1,2 million, se tourne en petit comité et presque entre amis. Comme pour Le rouge au sol et Les jours, ses courts métrages, la direction photo est assurée par Sara Mishara. Le tout est tourné en cinémascope, pas par snobisme, mais bien pour des raisons purement cinématographiques, dit le réalisateur. «J'aurais pu tourner en mini DV si ça a avait été ma vision», dit-il.

«Je suis dans les meilleurs conditions pour faire un bon film. Si c'est raté, c'est vraiment de ma faute», dit-il. Le tournage de Tellement les rues sont longues se termine le 2 novembre.

Le film sera présenté à plusieurs festivals de cinéma au printemps prochain, avant de prendre l'affiche à l'automne 2008 au Québec.