Avec son humour tout ce qu’il y a de plus British et ses talents de conteur, on aurait imaginé sans mal Mike Newell faire partie des défunts Monty Python. Or, le coloré personnage a choisi de passer sa carrière derrière la caméra. Pour notre plus grand plaisir. Et le sien aussi.

Le réalisateur de Quatre mariages et un enterrement, comédie romantique culte des années 90 qui a établi Hugh Grant dans son rôle d’amoureux transi, était de passage à Montréal, récemment, afin de promouvoir son plus récent long métrage — et non le moindre — L’amour aux temps du choléra, adapté du célèbre roman de Gabriel García Márquez (en salles la semaine prochaine).

C’est avec une entière disponibilité et un enthousiasme intarissable pour son ambitieux projet que le diplômé de Cambridge, qui a travaillé pendant 17 ans à la télé avant de faire le saut au grand écran, a rencontré le représentant du Soleil au chic hôtel St-James, dans le Vieux-Montréal. Rarement a-t-on vu un cinéaste aussi dévoué à l’obligatoire tournée de promotion.

C’est après le tournage de Harry Potter et le gobelet de feu que le réalisateur de 66 ans raconte avoir reçu l’offre de porter à l’écran le livre du romancier colombien, considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature moderne. Newell lui-même n’hésite pas à en parler comme «l’un des cinq plus grands livres jamais écrits».

Le défi était de taille, mais à la mesure d’un cinéaste éclectique qui aime s’aventurer hors des sentiers battus, avec une filmographie qui compte non seulement de la comédie et du fantastique, mais aussi l’excellent drame policier Donnie Brasco.

«L’amour aux temps du choléra est sûrement l’un des plus grands défis de ma carrière. Peut-être pas mon plus gros film, mais certainement le plus difficile, davantage que Harry Potter, qui avait un budget beaucoup plus imposant. La proposition est arrivée à un moment de ma carrière où j’avais désespérément envie de me frotter à de vrais personnages», explique-t-il.

Newell, qui avait lu le roman dès sa publication, en 1985, s’est replongé dans sa lecture afin d’en saisir toute l’émotion, les nuances et les personnages. «C’est une histoire avec des personnages si incroyables, remplie de surprises et d’originalité.»

Et «d’une complexité incroyable», ajoute-t-il, puisque L’amour aux temps du choléra raconte une histoire de passion qui se déroule sur 50 ans, à travers le destin d’un commis télégraphe, Florentino Ariza (Javier Bardem), qui tombera follement amoureux, au premier regard, de la belle Fermina (Giovanna Mezzogiorno). L’amoureux éconduit, après le mariage de l’élue de son cœur avec un riche médecin (Benjamin Bratt), attendra toutes ces années qu’elle lui revienne. Malgré ses innombrables conquêtes, Florentino restera l’homme d’une seule femme.

Newell avoue que l’adaptation de ce roman touffu n’a pas été une sinécure. Le travail a été confié à Ronald Harwood, gagnant d’un Oscar pour Le pianiste. «C’est un écrivain merveilleux qui a travaillé surtout en théâtre. Il a vite compris qu’il était impossible de tout mettre dans le film ce qu’il y avait dans le roman, et a donc développé une habile structure narrative, facile à saisir, qui éclaire le film de multiples points de vue, en traitant de l’exploration de l’amour sous toutes ses formes.»

L’opinion de Márquez lui-même, qui était peu entiché de l’idée de voir son œuvre tournée en anglais, comptait beaucoup pour Newell. «Après avoir vu la première mouture, l’écrivain s’est demandé : où est le travail de précision (the stichwork)? Il faut comprendre que l’écriture de Márquez pourrait se comparer à la fabrication d’un strudle. Márquez a roulé et plié des centaines de fois son histoire. Plier et rouler, plier et rouler, plier et rouler...» mentionne-t-il, en mariant le geste à la parole. «J’adore cuisiner, mais je me suis rendu compte que j’avais triché sur la quantité de pâte et le nombre de répétitions...»

En bout de ligne, Newell se dit très satisfait du résultat final, surtout que l’auteur lui-même a finalement donné sa bénédiction. «C’est tellement un grand écrivain. C’était important, pas seulement pour la publicité du film, mais surtout pour tous ceux qui y ont travaillé.»

Un coup de fil providentiel

Sans l’intervention d’un membre du gouvernement colombien, c’est au Brésil que Mike Newell et son équipe seraient débarqués pour tourner l’adaptation de L’amour aux temps du choléra.

«Peu de temps avant de nous rendre dans le nord du Brésil pour examiner des lieux de tournage, le producteur du film, Scott Steindorff, a reçu un coup de fil du vice-président de la Colombie, raconte le vétéran réalisateur.

«Il lui a alors dit : “Qu’est-ce que c’est que cette histoire? Vous allez tourner au Brésil! Mais c’est un péché. Márquez et son livre font partie de notre identité nationale. Vous devez absolument venir ici”.» Fin de la discussion.

C’est ainsi que le gouvernement colombien a déroulé le tapis rouge afin de permettre que le film se tourne dans la patrie d’origine de Márquez, principalement à Cartagena. Un choix que Newell n’a jamais regretté.