L’âge des ténèbres amorcera la semaine prochaine le dernier chapitre d’une carrière tumultueuse. Comme un navire qui revient à bon port après la tempête, la productrice Denise Robert est heureuse de faire découvrir au public québécois le nouveau film de son compagnon de vie.

«Personnellement, j’aurais préféré sortir le film au Québec avant le reste du monde. C’est comme un nouveau-né, tu as toujours plus hâte de le montrer à ta famille qu’à des étrangers. Mais un concours de circonstances en a voulu autrement», confie-t-elle au Soleil.

Denise Robert, davantage que Denys Arcand lui-même, qui préfère se tenir loin des tractations commerciales, a été aux premières loges de l’imbroglio entourant la sélection du film au Festival de Cannes. Ira, ira pas? Personne ne savait plus trop.

Dès le mois de mai, Denise Robert savait que le film ne serait pas prêt à temps pour une sortie printanière au Québec, comme il était prévu à l’origine. De son côté, le grand patron du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, après avoir vu une version de travail, n’a plus jamais donné de nouvelles.

Coïncidence, le soir même que le distributeur québécois annonçait dans la presse québécoise que le film n’irait pas sur la Croisette, Denise Robert recevait l’invitation de faire la clôture du prestigieux festival. Elle avait 10 minutes pour prendre une décision. Peut-on vraiment refuser une invitation pour Cannes? Arcand et ses techniciens ont alors mis les bouchées doubles pour le terminer le plus rapidement possible.

Dans les circonstances, la «fenêtre» idéale pour un lancement au Québec en été ou au début de l’automne se fermait. Le distributeur Alliance a alors suggéré un lancement en décembre, en lieu et place de Cruising Bar 2. Finalement, le public québécois aura droit à la version écourtée de deux minutes et demie par rapport à la version cannoise. Ailleurs dans le monde, le public aura droit à une version délestée de sept minutes et demie, particulièrement dans sa portion moyen âgeuse.

Avec le recul, Denise Robert regrette bien peu de choses, si ce n’est d’avoir fait l’erreur d’adopter pour L’âge des ténèbres la même stratégie de mise en marché que pour Les invasions barbares. «On ne peut pas calquer une production sur une autre. Chaque film a ses imprévus.»

Mais par-dessus tout, ce qu’elle ne regrette pas une seule seconde, c’est d’avoir donné les moyens à Denys Arcand de faire son film en toute liberté.

«Quand tu reçois autant d’honneurs pour un film (Les invasions barbares), tu fais quoi après? Souvent, la pire erreur est de refaire la même chose afin de vouloir plaire, d’appliquer la même formule. Mais Denys s’est senti libre de faire le film qu’il avait envie de faire.»