«Mesdames et messieurs, le dernier homme sur Terre est le premier que vous rencontrerez ce matin!» Ainsi Will Smith a-t-il été accueilli, dans une ambiance pas du tout de fin du monde, à la conférence de presse qu'il donnait à Los Angeles au début du mois afin d'évoquer son rôle central... et périphérique tant qu'à faire (il est presque seul pendant la majeure partie du film), dans I Am Legend de Francis Lawrence, cette troisième adaptation à l'écran de l'oeuvre de Richard Matheson.

Dans I Am Legend, Will Smith devient Robert Neville, un scientifique brillant. Un miraculé aussi : il semble immunisé contre le terrible virus qui, conçu pour combattre le cancer, a muté et est devenu mortel. Robert Neville est maintenant le seul survivant de New York. Peut-être le seul de la planète. Ce qui ne signifie pas qu'il soit seul au monde. Les êtres humains infectés sont devenus des créatures de la nuit. Qui ont traqué les non-infectés. Qui traquent encore et toujours cet homme barricadé chez lui, avec son chien, dès le coucher du soleil. Mais pendant la journée, à son tour de se faire chasseur. Son but : trouver un antidote au virus en faisant des expériences sur les mutants.

«C'est le genre de rôle qui demande une préparation mentale importante, avance le comédien. C'est quand même terrifiant quand vous recevez un scénario, que vous le lisez et que vous vous rendez compte que ce n'est que vous, vous seul, avec un chien, pendant 80 pages. J'ai fait des films où j'avais pas mal de temps devant la caméra et les gens ont apprécié, mais là, j'ai eu peur que ce soit trop. Trop pour n'importe qui.» Une bonne raison pour lui d'accepter le défi.

Pour cela, avec le scénariste Akiva Goldsman (A Beautiful Mind, The DaVinci Code) et le réalisateur Francis Lawrence, il a rencontré et longuement parlé à d'anciens prisonniers de guerre qui avaient été séquestrés et gardés en isolement pendant longtemps. Un point revenait tout le temps dans leur discours, une manière d'art de la solitude : l'emploi du temps. Se créer un horaire, une routine.

«Même pour se curer les ongles. C'est la seule manière de rester sain d'esprit et c'est ce que nous avons essayé d'installer au début du film», ait Will Smith qui, dans ces scènes d'ouverture-là, se livre aussi à pas mal de «monodialogues». «Quand vous n'avez pas de stimulus extérieur, vous en arrivez à perdre des concepts de base. Un gars nous racontait qu'il avait passé quatre heures à se regarder la main avant de se rappeler le mot doigt.»

12 kilos en moins

Autre chose qui se perd sur le route de la solitude : l'appétit. «Manger devient quelque chose que vous faites parce que vous avez à le faire, mais c'est dénué de tout plaisir», poursuit Will Smith qui a perdu une douzaine de kilos pour les fins du rôle. Pas compliqué pour cet adepte de la course à pied : «Quand vous courez, comme moi, 50 km par semaine, votre corps à l'air de ce que vous voulez qu'il ait l'air. Et vous savez, il y a des avantages incroyables à être en forme... ne serait-ce que pour la bonne santé du mariage!» s'exclame le mari de Jada Pinkett Smith.

«C'est d'ailleurs parce que New York est à ce point populeuse, de jour comme de nuit, que nous avons décidé d'y déménager l'histoire qui, dans le roman, se déroule à Los Angeles. Or, Los Angeles semble vide la plupart du temps», souligne Francis Lawrence. Il y avait aussi, dans la Grosse Pomme, tant d'endroits si clairement identifiables, mais jamais vus autrement qu'avec des voitures en train de rouler et des piétons se bousculant sur les trottoirs! L'impact visuel n'en serait que plus important. Et là, l'autre choix : tourner sur écran vert ou... vider New York? Ils ont vidé New York.

Pendant les fins de semaine. Par petites sections. Ici, Grand Central Terminal. Là, les rues de TriBeCa. Plus loin, le Washington Square Park. Le Columbus Circle. La 5e Avenue, avec ses boutiques de luxe. Partout, des voitures immobilisées. La nature qui reprend le dessus sur les structures de métal et de béton. «Je ne voulais pas que la ville ait l'air d'une peinture... et, même avec un très beau travail sur écran vert, c'est ce qui serait arrivé, affirme le réalisateur. Être vraiment seul dans la ville, ça touche les acteurs, ça touche l'équipe au complet. Et ça transparaît à l'écran.»

La solitude se fait alors palpable. Et Will Smith s'en fait le témoin : «Vous savez, quand vous êtes coincé dans la circulation et que vous vous dites que tous ces gens vous font suer! Ou quand vous êtes enfant et que vous souhaitez que vos parents disparaissent pour que vous puissiez faire tout ce que vous voulez. Eh bien, je vous jure que vous ne voulez pas ça.» Il en a eu l'aperçu en descendant la 5e Avenue. Seul. Avec un chien. «C'était cool parce qu'on savait que dès que Francis crierait "Coupez!" la vie reprendrait. Mais le temps que ça durait, ça prenait à la gorge.»