L'Office national du film voit son avenir en grand. Trop longtemps négligé des politiciens, l'organisme a lancé hier un audacieux plan stratégique de cinq ans visant à en faire le «point de référence mondial en innovation et création de contenu multiplateforme» autant en documentaire social, fiction alternative que cinéma d'animation.

«C'est le temps d'être audacieux, a affirmé le président de l'ONF, Tom Perlmutter. Il s'agit de vraiment prendre en mains notre mandat public. On y va avec cette force de l'ONF qui est l'imagination, la créativité et l'innovation.»

En plus du leadership créatif, le plan stratégique de l'organisme mise sur une accessibilité étendue, l'engagement citoyen, le passage au numérique, le renouveau organisationnel et financier.

Ainsi, l'ONF compte produire de cinq à dix longs métrages de fiction alternative, «dont le scénario est improvisé au fur et à mesure du tournage», au cours des cinq prochaines années.

«On ne fera pas ce que fait le privé, souligne M. Perlmutter. On a développé une approche en travaillant au sein des communautés et avec des acteurs non professionnels qui trouvent eux-mêmes l'histoire qu'on va raconter. C'est le cas de Family Motel, d'Helene Klodawsky, qui prend l'affiche le 25 avril au Cinéma du Parc et qui met en scène une réfugiée somalienne et ses deux filles. Elles sont formidables.»

Les prix que l'Office continue de récolter à profusion dans le monde démontrent bien, selon lui, que l'audace a déjà commencé à payer. C'est dans cet esprit, que l'organisme veut prendre part à la révolution numérique: distribution par internet, E-cinéma en région éloignées, téléphonie cellulaire, baladeurs...

«On veut s'emparer des nouvelles technologies d'un point de vue créatif, dit-il, c'est-à-dire qu'on va laisser les créateurs trouver de nouvelles formes, d'autres grammaires audio-visuelles. Je tracerais un parallèle avec les années 50 où l'on a travaillé avec des caméras plus légères et le son synchronisé avec les Brault et Perrault. C'était une révolution à l'époque.»

Le plan stratégique parle de ce retour aux sources de la créativité et de l'imagination, tout en restant socialement engagé.

«Mais on ne fait pas des films sur des enjeux sociaux. On fait des films avec des êtres humains. On doit les respecter. La seule façon de le faire c'est de prendre le temps en recherche, tournage et montage, comme le film de Richard Desjardins et de Robert Monderie, Le peuple invisible, qui a pris trois ans de tournage.»

Pour ce faire, l'ONF aura besoin de plus d'argent. L'Office a fait l'objet de nombreuses compressions budgétaires et, contrairement à certaines autres agences culturelles, n'a pas été indexé depuis 10 ans.

«Le gouvernement doit jouer son rôle parce que l'ONF ne lui appartient pas, croit M. Perlmutter. Ça appartient au peuple canadien, à nos enfants et petits-enfants. On est les gardiens de quelque chose de fondamental.»

Le nouveau plan d'affaires de l'ONF sera prêt d'ici septembre et il tiendra compte de nouvelles sources de revenus, incluant les nouveaux supports à exploiter. En attendant, l'ONF offre quand même du temps aux artistes.

«Dans le privé, on veut reproduire les formules qui marchent bien, note son président. À l'ONF, chaque fois, on recommence. On veut pousser plus loin notre réflexion. Par exemple, comment peut-on créer pour le web une vraie production d'auteur?»

L'ONF compte déjà sur beaucoup de talents «pas assez exploités», croit Tom Perlmutter, pour effectuer ce virage numérique: «on veut vraiment libérer l'énergie créatrice qui existe dans la boîte au diapason de la réalité d'aujourd'hui».