Nous voilà maintenant à El Geneina. Au premier coup d'oeil, on réalise tout de suite que la ville, qui se trouve à moins d'une cinquantaine de kilomètres de la frontière tchadienne, est beaucoup plus taciturne qu'El Fasher.

L'implantation des différents camps de déplacés en périphérie du centre urbain a beaucoup changé l'allure des quartiers. Aida Eke, une Canadienne d'Ottawa et spécialiste de la protection des enfants pour l'UNICEF, me dit qu'à son arrivée il y a 19 mois dans la région, les infrastructures et petits marchés qu'on trouve aujourd'hui le long des rues d'El Geneina étaient inexistants. Outre les véhicules des différentes agences internationales, on pouvait compter dans la ville, selon le souvenir qu'elle en garde, une dizaine de voitures. L'arrivée des déplacés dans la capitale du Darfour Ouest a créé un véritable développement économique.
 
Il est souvent question, lors des différentes discussions au sujet des camps de déplacés, de la problématique liée à l'implantation à long terme de ces milliers d'abris d'abord construits pour être temporaires. Cependant, on parle rarement des conséquences naturelles et économiques pour les habitants de la ville d'accueil, qui sont directement affectés par les déplacements massifs de population dans leur région. Aida Eke m'explique que cette situation a fait naître une certaine tension entre des habitants de la ville et des différents camps. Des organismes qui ont pris conscience de cette nouvelle réalité tentent par différents moyens de rapprocher les communautés.
 
La journée d'aujourd'hui dans le camp de Ryad s'est bien déroulée.  Un centre de jour pour enfants y a été implanté. À notre arrivée au CFC (Child Friendly Center), les plus vieux des enfants chantaient dans un coin de la cour, pendant que les plus petits s'affairaient à planter, avec leurs minuscules doigts, de petites plantes vertes dans la terre. C'est, selon moi, la plus belle des scènes à laquelle nous avons pu assister depuis notre arrivée au Soudan.
 
Un des deux responsables du centre pour enfants, Mohamed, me dit qu'il a vu certains enfants s'épanouir grandement depuis l'implantation de ce projet ambitieux dans le camp de Ryad. La majorité des enfants, lorsqu'ils ne sont pas à l'école, passent leur journée à jouer sans surveillance dans les rues en terre. Il devrait y avoir plus de ces endroits où ils peuvent être simplement des enfants.
 
Nous devions quitter Geneina ce matin en direction de Nyala, au Darfour Sud, mais un recensement dans le pays - le dernier remonte à la fin des années 70 - ralentit beaucoup les choses. Les accès aux camps et les déplacements terrestres et aériens seront peut-être limités à cause des possibles tensions entre les recenseurs gouvernementaux et certains chefs de camps qui, craignant l'impact que pourraient avoir les résultats d'un recensement sur les futures négociations, refusent de prendre part à l'exercice.
 
Hier soir, les gens du bureau de l'UNICEF avaient organisé une petite soirée en notre honneur. Des gens de différentes agences de l'ONU et ONG actifs dans le pays étaient présents. Beaucoup d'entre eux nous ont dit que peu de gens viennent en tournage dans la région en raison des conflits transfrontaliers entre le Tchad et le Soudan. En effet, des combats se déroulent à moins d'une cinquantaine de kilomètres d'ici.
 
Pendant que je vous écris, j'entends Aida parler au téléphone d'un bureau tout près d'où je me trouve. Elle semble dire que les vols ne sont pas annulés. Parions que dans quinze minutes on nous dira encore le contraire! Les choses changent rapidement ici et je crois que nous commençons tranquillement à nous y faire!
 
À très bientôt,
Stéphanie
 
Pour plus d'information, visitez le site de l'UNICEF à : www.unicef.ca