Charles Binamé traînait le même cellulaire dans ses poches depuis six ans. Pas question qu’il prenne le virage BlackBerry et y devienne accro comme d’autres! Puis, il a cédé à la tentation. Récemment.

Mais plutôt que de se mettre illico à mitrailler de courriels ses proches et collègues, le réalisateur a vu l’objet comme l’extension publicitaire de son plus récent film Le piège américain.

À la fin avril, au moment même où Spike Lee annonçait son intention de réaliser un film qu’avec des téléphones cellulaires, Binamé lançait une campagne publicitaire singulière à la télé. Il a présenté des images embrouillées de son suspense politique refilmées avec son BlackBerry.

Sur Radio-Canada, RDI, TVA et RDS, à coup de 10 secondes, on a ainsi pu voir Che Guevara, une femme inquiète marchant rapidement, John F. Kennedy descendant d’un avion à Dallas, sans que rien ne fasse de sens. Par la suite, on a diffusé des gros plans de Colm Feore, Rémy Girard et Gérard Darmon, vedettes du Piège américain (sur la vie du criminel québécois Lucien Rivard).

Chaque fois, on pouvait lire, en bas d’écran: LRLPA.org, 16 mai. «Je voulais faire du bruit autour du lancement de mon film tout en mettant du sable dans l’engrenage, explique Charles Binamé. La campagne était évolutive. Au début, les téléspectateurs ne comprenaient rien. Ça a eu l’air de quelqu’un qui prenait le contrôle des ondes. Certains ont pensé que c’étaient des erreurs de mise en ondes.»

Mais pas question pour Charles Binamé de s’arrêter là! Dans le même élan, il a appelé l’agence de publicité Bos qui a eu l’idée de mettre en ligne le site Le Mouvement boulevard Lucien-Rivard. Sur celui-ci, on a pu découvrir la lubie (montée de toutes pièces) d’un certain Steve Gagnon désireux de rebaptiser le boulevard Saint-Laurent en boulevard Lucien-Rivard! «Trop de rues dans notre belle province portent les noms de saints inconnus ou de politiciens corrompus, peut-on lire sur le site, mis en ligne le 8 mai. Mais qu’en est-il des Québécois plus marginaux? (...) Lucien est un gars du peuple, un caïd au coeur d’or...»

Rédigé dans un français parlé, mâtiné de fautes d’orthographe, le site mblr.org (visité par plus de 1000 personnes) invite les gens à signer une pétition (54 l’ont fait!) pour sensibiliser à cette noble cause la Commission de toponymie du Québec et à joindre Steve Gagnon par téléphone ou courriel.

Une fois au téléphone, l’homme «un passionné d’histoire qui a déjà essayé de (se) présenter comme conseiller municipal» n’est pas à court d’arguments pour reléguer saint Laurent aux oubliettes. Comme l’ont constaté des journalistes de Radio-Canada, du Journal de Montréal et de The Gazette... qui sont tombés dans le panneau!

Car Steve Gagnon se nomme en fait Guillaume C. Lemée, acteur et auteur engagé par Bos qui a, par ailleurs, trouvé bien drôles certains commentaires laissés sur le site. «On a reçu toutes sortes d’insultes, affirme Sylvie Crête, directrice de comptes de Bos. À l’inverse, quelqu’un a dit que le changement de nom était une bonne idée et nous a invités à penser aussi à Cotroni!»