Deux semaines avant de se placer sous la protection de la loi, à la mi-mai, Christal Films devait de l'argent à près de 200 entreprises, révèlent des documents internes obtenus par La Presse.

Les déboires du distributeur de films mont-réalais touchent autant des multinationales que des PME, presque toutes liées à l'industrie du cinéma. Des dettes qui vont de 2,12 $ (au géant de la téléphonie Telus), jusqu'à plus de 1,7 million (pour l'agence de marketing Groupe Popcorn).

Au total, Christal Films devait à la mi-mai presque 13,2 millions à l'ensemble de ses créanciers ordinaires. Selon nos documents, presque la moitié de cette somme (5,7 millions) est due à des fournisseurs directs. Et les ennuis financiers de Christal se font sentir chez ses contractants.

«C'est plate, et oui, ça pose problème à mon entreprise», a affirmé un travailleur indépendant, à qui Christal Films doit plusieurs milliers de dollars. Comme d'autres créanciers contactés par La Presse, il a demandé l'anonymat afin de protéger ses liens d'affaires avec l'entreprise. Chez un autre créancier, on déplore que la dette de Christal Films prive le personnel d'augmentations de salaire cette année.

«Notre industrie est tellement petite et fragile, il ne faut pas trop l'ébranler: ça a un effet domino», explique le producteur Richard Goudreau, de Melenny Productions, la maison qui a produit la série de films Les Boys ainsi que Nouvelle-France.

L'entreprise Media Express est particulièrement affectée par cette situation. Toujours selon les documents obtenus par La Presse, Christal Films lui doit plus de 575 000 $, en plus des 1,7 million de dollars dus à sa filiale, le Groupe Popcorn. Le fabricant de DVD québécois Americ Disc attend pour sa part environ 718 000 $.

Dans une fourchette allant de 100 000 à 200 000 $, Christal Films Distribution a plusieurs dettes, notamment auprès de l'institution fédérale Téléfilm Canada (153 585 $), du laboratoire cinématographique montréalais Citélab (116 941 $) et de ses filiales Locatrak (118 447 $) et Topaze (147 652 $).

La plupart des dettes de Christal Films se situent en deçà de 100 000 $. La compagnie d'affichage Métromédia CMR Plus attendait plus de 88 000 $ en mai, tout comme la compagnie de post-production Vision Globale, à qui Christal devait payer la somme de 86 091 $.

On retrouve parmi les créanciers deux exportateurs de films français: Gaumont (26 447 $), et Roissy Films (31 010 $). Les producteurs québécois n'ont pas été épargnés par la mauvaise santé de l'entreprise. Christal doit ainsi 37 602 $ à Sphère Média (le producteur de Sophie Paquin) et 28 487 $ à Cité-Amérique (le producteur de L'audition, de Luc Picard).

350 000 $ pour Larouche

En plus des dettes envers ses créanciers ordinaires, Christal Films doit plus de 8,6 millions à la Banque Nationale et aux autres créanciers, pour un total de 21,9 millions. Le distributeur québécois a jusqu'au 16 juin pour proposer un plan d'arrangement à ses créanciers. Depuis le 29 mai, les 58 films canadiens et étrangers en cours de production et auxquels Christal est associé sont offerts à des acquéreurs.

Selon les documents obtenus par La Presse, 15 employés de Christal Films ont été licenciés depuis le mois de décembre. Par ailleurs, ces documents font mention d'une rémunération annuelle de 350 000 $ pour le président de la compagnie, Christian Larouche.

Christal en quelques films

Les ennuis financiers de Christal ont aussi eu des effets sur ses activités de distribution de films. Voici un aperçu des répercussions de ces problèmes pour les cinéphiles.

1 - Truffe

De : Kim Nguyen
Avec : Céline Bonnier, Roy Dupuis et Pierre Lebeau

Le plus récent long métrage de Kim Nguyen (qui a tourné La Cité des ombres ce printemps) est l'un des films québécois les plus attendus de l'année. Truffe devait initialement prendre l'affiche au mois d'avril. Sa sortie a ensuite été repoussée au 4 juillet, pour coïncider avec sa première au festival Fantasia. Hier, la sortie commerciale du film, qui sera néanmoins présenté à Fantasia le 3 juillet, a été reportée au 22 août.

2 - Bienvenue chez les Ch'tis

De : Dany Boon
Avec : Dany Boon, Kad Merad et Zoé Félix

Le succès du cinéma français de 2008 devait arriver sur nos écrans avec Christal Films. Les soucis financiers du distributeur ont finalement eu raison de l'accord conclu avec le vendeur français. Le film a été récupéré par un ami personnel de Christian Larouche, le producteur André Link. À Montréal, il fait déjà l'objet d'une campagne d'affichage. On ignore encore sa date de sortie.

3 - La belle empoisonneuse

De : Richard Jutras
Avec : Isabelle Blais et Maxime Denommée

En date, c'est le dernier film québécois sorti en salle par Christal Films, le 25 janvier. Le serpent, un film à suspense français mettant en vedette Yvan Attal, est le dernier film porté sur les écrans du Québec par l'entreprise, le 22 février.