Tout a commencé en 1990. En tout cas, pour Andrew Stanton. Il a été engagé par Pixar. «J'étais le neuvième employé du département d'animation. Nous travaillions dans une petite pièce, nous partagions trois ordinateurs et un téléphone sur lequel nous nous précipitions tous quand il daignait sonner», raconte le réalisateur et scénariste qui, à titre de vice-président Création, est aujourd'hui l'un des dirigeants de la compagnie.

Rencontré à Toronto où il accordait des entrevues en vue de la sortie de WALL-E, qu'il a coscénarisé et réalisé, il revient sur le fameux lunch qu'il a partagé avec John Lasseter (qui, depuis l'acquisition de Pixar par Disney en janvier 2006, est à la tête des départements créatifs des deux studios), Pete Doctor et feu Joe Ranft. C'était en 1994. Histoire de jouets était en préproduction. Il fallait déjà penser à d'autres projets. «Nous lancions des idées, qui sont devenues Une vie de bestiole, Monstres Inc. et Trouver Nemo. Mais tout cela restait très vague, à part pour Une vie de bestiole que nous avons creusé. Ce jour-là, une autre ligne a été lancée. Celle d'un petit robot oublié sur Terre.»

Une ligne où rien n'a mordu pendant les quelques années suivantes. Jusqu'à ce qu'Andrew Stanton, soudain, y repense. «Je terminais Trouver Nemo quand je me suis souvenu de mon petit robot solitaire. Depuis que j'avais eu cette idée, j'étais devenu un meilleur scénariste et un meilleur réalisateur, enfin, je crois, et je me suis dit que j'étais prêt à faire une histoire différente, racontée de manière différente. Et puis, le public connaît aujourd'hui Pixar, apprécie ce qu'on fait, et est probablement plus disposé à nous faire confiance.»

4,3 milliards $ aux guichets

Il a raison sur toute la ligne. Il a remporté l'Oscar du meilleur film d'animation pour Trouver Nemo et a été, à titre de scénariste, de réalisateur ou de producteur, des aventures de Histoire de jouets, Une vie de bestiole, Monstres Inc. et Ratatouille. Quant aux huit premiers films sortis des studios Pixar, ils ont jusqu'ici rapporté 4,3 milliards $ au box-office mondial.

Voici pour l'expérience et la notoriété. Pour ce qui est de la différence WALL-E, elle vient du fait que cette histoire n'en est pas une d'action et de blagues, de rebondissements et de rires. WALL-E est un film romantique, conçu par un romantique. «Il faut l'être pour consacrer quatre ans à écrire et à concevoir une histoire d'amour!» et porté par des robots... qui ne parlent pas. Du moins, pas notre langue. «Nous savions que si nous le faisions mal, ce serait ennuyant et ardu. Mais que si nous le faisions bien, ce pourrait être très attachant.»

Ce l'est. Extrêmement.

Bienvenue (manière de parler) sur Terre. Une Terre dévastée, où toute vie a disparu. Son seul habitant : un petit robot que quelqu'un a oublié d'éteindre. Et qui, depuis 700 ans, fait ce pour quoi il a été conçu : ramasser et compacter des ordures. Seul. Jusqu'à l'arrivée de EVE, une sonde exploratoire envoyée sur la planète par les humains qui vivent dans un vaisseau spatial. Et WALL-E d'en tomber éperdument amoureux.

L'émotion des robots

Incroyable, la vie et l'émotion qui parviennent à passer à travers des personnages qui ne sont pas humains et une langue qui n'en est pas une. C'est la magie de l'animation en 3D. Mais ce n'est pas que cela. «Pour WALL-E, nous avions besoin du 3D afin d'atteindre les buts que nous nous étions fixés. Mais le 3D n'est pas une obligation, affirme Andrew Stanton. Certaines histoires peuvent... et même bénéficient de l'animation en 2D. Il ne faut pas accuser cette technique pour l'échec de certaines productions qui n'ont pas fonctionné parce qu'au départ, ce n'étaient pas de bonnes histoires.»

Andrew Stanton note ici qu'avec John Lasseter à sa tête, le secteur animation de Disney va, finalement, encore donner dans l'animation en deux dimensions : «Ils utilisent cette technique pour The Princess and the Frog, qui devrait sortir l'an prochain.» Et d'indiquer que «Disney n'est pas le gros méchant qui nous a mis la main dessus» : «Robert Iger (le pdg de Disney) reconnaît que nous connaissons l'animation en profondeur. Il sait combien nous sommes respectés pour cela alors que Disney avait perdu du terrain dans le domaine. Il nous a dit qu'il attendait de nous que nous continuions à faire ce que nous faisons et savons faire, et que nous soyons là pour les conseiller quand le besoin se fait sentir.»

Le meilleur des deux mondes, alors? Peut-être, si l'on se fie à WALL-E. Ce petit robot a en effet bien des chances de devenir grand en termes de succès.