Quoi qu'il advienne dans les jours qui viennent de la carrière en salle des 3 p'tits cochons, sorti hier en France avec un démarrage «moyen», le film de Patrick Huard aura produit un petit événement quasiment historique: une critique plutôt louangeuse de Libération, phénomène rarissime s'agissant d'une comédie de moeurs et d'un film grand public.

Cerise sur le gâteau: l'hebdomadaire culturel Télérama, a priori peu indulgent pour ce genre de divertissement, est encore plus flatteur. Et la radio publique de France-Inter va dans le même sens. Même si les Inrockuptibles (hebdo) et Le Monde sont franchement négatifs, on peut dire que les médias «de qualité» font un accueil sympathique ou enthousiaste à cette «grivoiserie québécoise» comme a titré le Journal du dimanche.

Sur le panel de sept critiques recensées chaque semaine dans le Nouvel Observateur d'aujourd'hui, le film obtient un 3 (Figaro), un 2 (le Point), trois 1 (Télérama, Marianne, Nouvel Obs), et deux zéros (Inrocks et L'Express). Pour une comédie à vocation grand public, un genre jamais porté aux nues par la critique, c'est un résultat fort honorable.

Première surprise, donc, Libé, qui clame: «Une comédie québécoise grinçante qui repose sur une bonne interprétation.» Et la suite: «Le montage énergique, les expressions québécoises épicées (heureusement sous-titrées) renforcent le comique absurde de certaines scènes.» Même si, à la moitié, «les clichés apparaissent et le film s'essouffle», il n'en reste pas moins que Patrick Huard «livre une honnête comédie familiale, bien moins caricaturale qu'il n'y paraît au premier abord».

Le très sérieux Télérama de son côté parle dune «arborescence de flash back hilarants» et conclut: «L'accent et la liberté de ton du Déclin rencontrent l'humour de Friends en plus cochon.» Quant au Figaro Magazine, il parle de «conversations magnifiquement dialoguées». Bien sûr, Le Journal du dimanche précise que le film «ne fait pas dans la subtilité», et Le Point que «la vulgarité affleure parfois», mais les deux lui donnent une note favorable: c'est agréable à voir et parfois instructif. Seul Le Monde reste intraitable: «Le film emprunte ses gags au théâtre de boulevard et sa forme à la télé contemporaine, ce qui en fait un objet à la fois désuet et agressivement moderne.»

Reste à connaître les résultats en salle. Hier en fin d'après-midi, TFM distribution, qui a misé sur une combinaison ambitieuse de 150 salles, davantage que La grande séduction et C.R.A.Z.Y. dans un passé récent, avait les chiffres fatidiques de la séance de 14 h sur Paris-périphérie, mais refusait de les communiquer: «Ce sont des chiffres moyens, nous disait-on. Pas catastrophiques, mais moyens. Il a fait beau et chaud, c'est le coeur de l'été et c'est un film pour adultes: on attend donc les séances de la soirée pour avoir une idée précise.»

Il est vrai qu'une sortie à contre-programmation, un 6 août, pour un film non américain et sans vedettes, constitue à elle seule un pari. Et que les règles habituelles ne s'appliquent pas nécessairement. Mais si on ne communique pas les premiers chiffres, ils doivent être très «moyens». Bien en dessous dune trajectoire menant à une carrière de plus de 250 000 entrées, qui paraît le seuil minimum requis pour parler d'un succès. Autres «petits» films, La grande séduction et C.R.A.Z.Y. avaient atteint 700 000 et 600 000 spectateurs.