La planète cinéma gravite autour de plusieurs festivals incontournables -Cannes, Rotterdam, Berlin, Locarno, Toronto.

Arrêt obligé pour les programmateurs en quête de sensations américaines, Sundance, à Park City, en Utah, est aussi l'occasion pour les producteurs et réalisateurs canadiens de faire parler d'eux.

Dans une petite galerie d'art de Main Street, à Park City, une centaine de personnes naviguent entre deux sculptures, échangent des cartes, serrent des mains et bavardent.

La soirée, organisée la semaine dernière par Téléfilm Canada, a vu passer, entre autres, des programmateurs de festivals américains (Dallas, Lone Star) ou français (la Quinzaine des réalisateurs) ainsi que des acheteurs.

«Toute l'industrie américaine est à Sundance», résume Danny Lennon. Le programmateur (pour Prends ça court! et Juste pour Rire) est connu comme le loup blanc dans le circuit des festivals. Après Park City, ses fonctions le mèneront à Rotterdam, Clermont-Ferrand et Berlin.

À Sundance, Danny Lennon fait à la fois du repérage - il ramène 40 courts métrage de Sundance pour la soirée Prends ça court! du 28 février - tout en poussant les courts canadiens sélectionnés à Sundance: Cattle Call de Matthew Rankin et Mike Maryniuk, Captain Coulier de Lyndon Casey, Ten for Grandpa de Doug Karr, Treevenge de Jason Eisener, The Real Place de Cam Christiansen, Out of Our Mind de Melissa Auf Der Maur, sans oublier Next Floor de Denis Villeneuve.

«Le Canada réussit bien au niveau des courts, à l'international, grâce, entre autres, à trois ou quatre personnes qui ne sont pas dans le gouvernement», dit Danny Lennon. Cette année, le Québec a plus voyagé avec le court Next Floor, sélectionné dans une cinquantaine de festivals, qu'avec n'importe quel long métrage.

Le réalisateur de Cattle Call, Matthew Rankin, vient à Sundance pour la première fois. Ce Winnipegois, installé à Montréal, a vu son court-métrage présenté avant Louise-Michel, de Gustave Kervern et Benoît Delépine. Coup de bol, cette présentation à Sundance lui a aussi permis de faire un brin de causette avec le producteur de Louise-Michel, Mathieu Kassovitz.

«Il y a à Sundance un niveau d'entraide impressionnant. Sundance est surtout un festival pour les réalisateurs: c'est ça qui est cool», souligne Danny Lennon. Il est vrai aussi qu'à Sundance, il est facile de croiser des producteurs et réalisateurs vedettes, ou leurs agents.

«Il y a beaucoup de visibilité en festival: Next Floor, par exemple, de très gros réalisateurs ont demandé à le voir. Qu'est-ce que tu fais dans ces cas-là? T'envoies le DVD, et tu dis merci», dit Lennon.

Plus de courts que de longs

Cette année, au festival Sundance, le Canada et le Québec se sont démarqués dans les courts. Seuls six longs métrages canadiens ont été programmés à Sundance: Victoria Day de David Bezmozgis, Le jour avant le lendemain de Marie-Hélène Cousineau et Madeline Piujuq Ivalu, les coproductions Amreeka de Cherien Dabis et Helen de Sandra Nettelbeck de même que les documentaires Prom Night in Mississippi de Paul Saltzman et Nollywood Bollywood de Ben Addelman et Samir Mallal.

«Construire notre relation avec les États-Unis, cela démarre à Sundance», estime Brigitte Hubmann, chargée de projet festivals et marchés pour Téléfilm Canada. Paradoxalement, le cinéma canadien et québécois profitent peu de ce qui pourrait être sa vitrine naturelle, le Festival de Toronto.

À Sundance, il leur faut pourtant se démarquer des 300 films programmés.

Le jour avant le lendemain de Marie-Hélène Cousineau a été présenté à Toronto, mais, précise-t-elle, Sundance lui offre surtout l'occasion d'amener son film, tourné au Nunavik, à un public nouveau.

«C'est un privilège de le présenter dans un lieu où les gens ne connaissent pas la culture inuite, où l'idée même du Nord leur est étrangère, dit-elle. Je suis ici pour rencontrer les gens, les spectateurs. Je ne suis pas en voyage d'affaires.»

Le Canadien Paul Saltzman n'est pas un nouveau venu dans le monde de la télévision et du cinéma - il a produit près de 300 films pour la télévision américaine - mais Prom Night in Mississippi est sa première réalisation de long métrage documentaire. Épaulé, dans son film, par Morgan Freeman, Paul Saltzman s'est attaqué à un sujet dans l'air du temps: le dernier bal de fin d'année ségrégationniste au Mississippi.

«Que l'investiture d'Obama tombe en même temps que la présentation de notre film, c'est quelque chose de merveilleux. C'est un tournant, son élection: c'est un homme noir qui devient le leader du pays. C'est incroyable!» se félicitait-il lors de la première de son film. De plus, Sundance, croit-il, «offre beaucoup de possibilités en termes de distribution».

Dans un festival dominé par les productions américaines, il n'est pas toujours facile pour les longs métrages canadiens, en anglais de surcroît, de se faire remarquer.

«Peu de films québécois sont achetés aux États-Unis. Quant aux films du reste du Canada, je suis désolé de le dire, mais personne ne pense à Up the Yangtze (documentaire du Montréalais Yung Chang, présenté à Sundance en 2008) comme un film canadien», déplore Larry Kardish, conservateur du MOMÀ et programmateur du Canadian Front organisé par l'institution muséale new-yorkaise depuis 2004.

«Les films du Canada anglais ne sont pas bons, et en plus, ils ne font pas d'argent», tranche de son côté Ryan Ward. L'acteur et réalisateur accompagne son premier long à Park City, pas pour Sundance, mais pour Slamdance, le festival «par les réalisateurs, pour les réalisateurs», créé il y a 10 ans en réaction aux dérives commerciales de Sundance. «Slamdance, c'est une vitrine exceptionnelle», dit-il.

À côté de Sundance, de ses premières hollywoodiennes et de ses invités glamour, Slamdance revendique son indépendance totale.

Plus modeste, le festival offre une meilleure vitrine à ses films en général et canadiens en particulier, soutient Jon Rafman, dont le court métrage, City Girls, a été sélectionné à Slamdance. «En ce qui me concerne, je trouve que c'est bien meilleur que Sundance.

Sundance, c'est vendu au mainstream», soutient-il.

À quelques jours de la clôture de Sundance, les ententes commencent à se conclure entre producteurs et distributeurs.

Prom Night in Mississippi a suscité l'intérêt d'un distributeur aux États-Unis; les droits européens d'Amreeka ont été acquis à l'issue d'une compétition endiablée entre distributeurs européens; et l'ONF espère pouvoir annoncer une entente avec un distributeur américain pour Nollywood Babylon.

Enfin, le court métrage Treevenge a obtenu une mention honorable du jury: une récolte somme toute plus qu'honorable pour les films canadiens.

Le festival Sundance se termine demain.