Fernand Dansereau recevra le prix Hommage lors de la 11e soirée des Jutra le 29 mars prochain. À 80 ans, «l'ancêtre» a occupé toutes les chaises dans le métier, de la scénarisation à l'administration en conservant un regard clair, toujours capable d'émerveillement.

Fernand Dansereau est arrivé au cinéma presque de reculons. Journaliste sans travail, avec 45 $ à la banque, il entre à l'ONF à la demande de Pierre Juneau dans les années 50 pour jouer le rôle d'un... journaliste!

«Je n'avais jamais fait ça. Quand je me suis vu à l'écran, j'étais catastrophé. Je ne parlais pas assez pointu. Je n'ai pas ce qu'il faut, me suis-je dit. D'accord avec moi, Bernard Devlin m'a offert d'entrer à la scénarisation», raconte-t-il.

Peu à peu, il apprend le métier de réalisateur et de directeur photo avec Georges Dufaux. Même si le documentaire était le fer de lance de l'innovation à l'ONF, il y a fait beaucoup de fiction, dès 1965, avec Le festin des morts, un long métrage inspiré des Relations des jésuites.

«La fiction a beaucoup changé au Québec, heureusement, croit-il. Influencés par le cinéma direct sans doute, on avait toujours cet a priori pour le réalisme et le naturalisme. Avec des films comme Babine, on est en train de sortir de ça.»

M. Dansereau a tout fait à l'ONF, y compris diriger les services français. Mais sa route a été parsemée d'embûches qui auraient eu raison d'autres créateurs moins persévérants.

«Avec Le festin des morts, je me suis fait taper dessus. Ça m'a cassé les reins. Quelqu'un avait même écrit que je n'avais pas de talent. Malgré tout, j'ai fait un petit film, Ce n'est pas le temps des romans, plein de jump cuts, pas comme effet stylistique, mais parce que la pellicule brisait constamment. Le film a gagné une foule de prix!»

Cet heureux «accident» de parcours lui a permis de continuer et surtout de comprendre que, comme réalisateur, il devait apprendre à nager en groupe.

«Je me considère comme un nageur au milieu de la rivière, dit-il. Il faut trouver le courant et le suivre. Être à l'écoute. Je n'ai pas une posture très prétentieuse d'auteur. Sur un plateau, l'instrument le plus important c'est la qualité de mon intention. Si je réussis à la communiquer, tout le monde va m'aider.»

Écriture
Même s'il continue de faire du documentaire, en filmant en ce moment le projet environnemental des élèves d'une école de McMasterville, il se sent plus à l'aise avec la fiction. C'est là que sa grande force, l'écriture, lui permet de se réaliser pleinement.

«J'ai beaucoup enseigné à l'INIS, mais pourtant, je ne sais pas comment j'écris. Je ne connais pas la recette. Quand la fièvre de la création me prend, c'est ça. J'ai acquis un certain nombre d'aptitudes avec le temps. Comme producteur, il faut entretenir le dialogue, mais comme scénariste, c'est là que mon intention est toujours la plus claire.»

Sinon, les projets représentent souvent une série de déceptions entre l'écrit et l'écran. Malgré tout, le cinéma québécois déborde de «vitalité» même s'il peine parfois à rejoindre son public.

«Ça bouge énormément en ce moment dans la distribution et la diffusion, soutient-il. Personne ne sait ce que ça va donner dans quelques années, mais je crois que les bonnes histoires finissent toujours par trouver leur public.»

L'ancêtre
Fernand Dansereau, a aussi beaucoup travaillé comme scénariste pour la télévision: Le parc des Braves, Les filles de Caleb et Shehaweh. Si bien que son retour au grand écran, il y a deux ans, lui a coûté des mois et des mois de travail à tenter de convaincre les institutions de financer La brunante, ce long métrage sur l'alzheimer et le suicide.

«J'étais à ce moment le vieux qui n'avait pas compris que c'était le temps de se retirer, dit-il. Je suis devenu l'ancêtre. C'est plus confortable.»