Un regard vide et absent. Ceux qui ont croisé Marc Lépine, dans les couloirs et les classes de Polytechnique, le fatidique soir du 6 décembre 1989, ont retenu cette image du tristement célèbre personnage. C'est ce regard qui a habité Maxim Gaudette tout au long du tournage. 

Révélé au grand public par la télé série Virginie, le comédien de 35 ans disposait de bien peu d'indices pour nourrir son rôle, de loin le plus marquant de sa jeune carrière. 

«On ne sait rien de lui (Marc Lépine). Avec Denis Villeneuve, j'ai rencontré des témoins des événements et tous parlaient de son regard absent, raconte-t-il. Sur les lieux, avec sa carabine, il était comme pas là. Comme s'il était en décalage par rapport à ce qu'il faisait.

«Pour réaliser ce qu'il a fait, poursuit-il, c'est sûr qu'il ne fallait pas être «toute» là. Soixante balles en 19 minutes, sans s'arrêter, c'était une machine. Il était dans une autre sphère.»

Peur au ventre

Comme toute l'équipe de Polytechnique, Maxim Gaudette savait que le film soulèverait des flots de réactions. Lui-même n'a pas sauté dans l'aventure sans éprouver une peur au ventre, d'autant plus qu'on lui proposait le rôle le plus difficile du film, celui d'un jeune homme dérangé, ennemi des féministes, qui a marqué en lettres de sang l'imaginaire collectif québécois.

«Je me suis posé beaucoup de questions. Les gens de mon entourage avaient peur que je reste associé au personnage. Mais je me disais qu'avec Denis Villeneuve, ce serait bien réalisé. J'étais fébrile à chaque fois que je parlais de mon rôle. Il fallait que je le fasse. Le défi était grand, mais en même temps, plus le défi est grand et plus tu as envie de le faire comme acteur.»

Quelques témoins des terribles événements ont aidé le jeune acteur (âgé de 15 ans à l'époque) à insuffler l'âme la plus réaliste possible au tueur. «J'ai rencontré Nathalie Provost, qui se trouvait dans la fameuse classe. J'avais envie de parler à quelqu'un qui l'avait vu. Elle m'a parlé d'un homme qui n'était pas enragé, mais juste comme absent, comme dans un autre monde. J'ai soupé avec elle et, curieusement, c'est plus moi qui parlais, même si je ne suis pas bavard dans la vie. Je voulais lui parler de mon approche, du personnage. Ç'a été une belle rencontre.»

Maxim Gaudette ignore l'accueil que réservera le public à Polytechnique. À une époque où les tueries dans les écoles défraient régulièrement la manchette, il souhaite seulement que le film suscite des débats sur les raisons qui se cachent derrière «cette rage intérieure, cette souffrance qui se traduit en tuerie».