Romance, passion dévorante du 7e Art et passé douloureux auquel il faut faire face. L'Espagnol Pedro Almodovar a fait son cinéma, mardi au Festival de Cannes, avec Étreintes brisées où Penélope Cruz incarne toute les icônes féminines du grand écran.

L'Italien Bellocchio dévoilait de son côté Vincere, au lendemain de l'électrochoc Antichrist de Lars von Trier, dont la violence a répugné certains critiques, auparavant impassibles face à l'agonie d'une prostituée philippine violée, tuée à coups de poings et longuement démembrée dans Kinatay de Brillante Mendoza.

Bien accueilli par la presse le matin, Étreintes brisées n'a pas suscité les ovations reçues par Volver il y a trois ans ou Tout sur ma mère en 1999, primés l'un pour son scénario et le jeu de ses actrices, l'autre pour sa mise en scène.

Sorti à la mi-mars en Espagne où il a eu quelque 700 000 spectateurs et en lice pour la Palme d'or, c'est le 4e film où Pedro Almodovar dirige Cruz, auréolée de l'Oscar du meilleur second rôle décroché à Hollywood en février pour Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen.

Étreintes brisées, dont le scénario navigue entre présent et passé, suit Harry Caine, un cinéaste aveugle qui vit sous un pseudonyme depuis une tragédie survenue quatorze ans plus tôt, alors qu'il se nommait encore Mateo Blanco.

Amoureux de Lena (Penélope Cruz), Mateo affrontait alors la jalousie dévorante du mari de celle-ci, Ernesto Martel (Jose Luis Gomez) un riche homme d'affaires par ailleurs producteur de sa comédie Filles et valises.

La réapparition du fils de ce dernier oblige Harry-Mateo à affronter les fantômes du passé et la disparition tragique de Lena.

Avec Étreintes brisées - le titre fait référence à une photo d'un couple enlacé, déchirée peu après avoir été prise - Almodovar fait du héros son propre double, l'incarnation de sa passion dévorante pour le cinéma et les actrices.

La dernière réplique prononcée par Harry-Mateo est une profession de foi : «Les films, il faut toujours les terminer, même si on est devenu aveugle».

Écrit pour Penélope Cruz, ce long métrage métamorphose l'actrice en une série d'icônes féminines : mutine façon Audrey Hepburn dans Sabrina, bombe sexuelle à la Marilyn Monroe, ou brune héroïne de polars aux lèvres rouge sang.

Outre les nombreuses et rituelles références aux films de ses maîtres, Bergman, Hitchcock ou Fellini, Étreintes brisées fait aussi défiler tout l'univers d'Almodovar, dans un joyeux carrousel.

Tourné avec son égérie Rosy de Palma dans le même décor de loft, Filles et valises est un remake de Femmes au bord de la crise de nerfs (1988), l'un des premiers grands succès d'Almodovar.

Et le cinéaste qui décide de terminer un film saboté par son producteur 14 ans plus tôt est aussi un aveugle qui décide de ne plus occulter son passé.

En cela, il est une «métaphore de l'Espagne» enfin prête à affronter les traumatismes de la dictature franquiste (1939-1975), estime Almodovar.

«Nous vivons en démocratie depuis 30 ans, les choses ont changé. Il est maintenant indispensable de retrouver la mémoire du passé», a-t-il dit.

Seul film italien en compétition cette année, Vincere de Marco Bellocchio, timidement applaudi par la presse, retrace un épisode méconnu de la vie de Mussolini : sa passion cachée pour Ida Dalser, jeune femme de bonne famille, éblouie par celui qui n'était pas encore le «Duce».

Reconnu puis désavoué par le leader fasciste italien, l'enfant né de cette passion finira interné, comme sa mère.