La nouvelle comédie policière d'Émile Gaudreault s'articule autour des relations père-fils. Huit ans après Nuit de noces, De père en flic marque aussi le retour affirmé du réalisateur de Mambo italiano du côté francophone.

Un soir qu'il regardait la télé, en zappant, Émile Gaudreault est tombé sur un documentaire présenté à Canal Vie. On y montre des hommes, des pères et leurs fils, s'étriper au beau milieu d'une forêt en compagnie d'un psy. Plongés ainsi dans un environnement «naturel», ils se renvoient à la figure leurs incompréhensions, leurs reproches, leurs douleurs toutes masculines.

«J'ai tout de suite vu un sujet de comédie! raconte Émile Gaudreault, coscénariste (avec Ian Lauzon) et réalisateur de De père en flic, une comédie policière dont les têtes d'affiche sont Michel Côté et Louis-José Houde.

«En faisant des recherches sur l'internet après avoir vu ce document, j'ai découvert l'existence d'excursions thérapeutiques du même genre, organisées afin de favoriser les échanges entre pères et fils. Je me suis tout de suite mis à imaginer Michel dans la peau du père, et Louis-José dans celle de son fils. J'ai écrit l'histoire en pensant à eux. Je leur ai trouvé un prétexte pour qu'ils aient à suivre cette thérapie contre leur gré. D'où cette enquête pour laquelle ils doivent changer d'identité, et s'infiltrer dans un groupe où des pères et leurs fils ont des problèmes à régler.»

Même si l'intrigue policière ne constitue pas véritablement le moteur du film, il reste que l'auteur cinéaste a dû, avec ce quatrième long métrage, se familiariser avec une grammaire cinématographique différente.

«J'ai beaucoup appris, reconnaît-il. Je n'avais jamais eu à réaliser des scènes aussi compliquées techniquement. Quatorze acteurs, souvent ensemble dans une même séquence; sans oublier les scènes d'action, nécessaires dans les circonstances. De nature, je suis plus à l'aise dans l'intimité, dans l'émotion. J'ai toutefois pu m'appuyer sur d'excellents collaborateurs à cet égard, dont le directeur photo Bruce Chun, qui a travaillé sur Bon Cop, Bad Cop et Nitro. Mais c'est certain qu'il ne faudra pas compter sur moi pour réaliser Nitro 2!»

Révélé, sur le plan de la réalisation, grâce à Nuit de noces, l'ancien membre du Groupe Sanguin s'est ensuite consacré à deux longs métrages en anglais, dont l'un, Mambo italiano, a connu une belle carrière internationale. Surviving My Mother, malgré un bel accueil critique, n'a de son côté pas obtenu le succès escompté. De père en flic marque ainsi son retour du côté francophone. Même si les chances de franchir les frontières restent plus minces, surtout dans le domaine de la comédie, ce choix, désormais, semble être très affirmé.

«Tourner des films en anglais complique les choses, fait remarquer Gaudreault. Je préfère désormais tourner dans ma langue et travailler avec nos excellents acteurs. Qu'il y ait moins de possibilités de diffusion sur le plan international - et encore, rien n'est sûr - ne constitue pas une frustration. Ce qui compte, c'est la joie de raconter une histoire, la rencontre avec les comédiens, le plaisir du tournage. Une fois le film terminé, je n'ai pas le contrôle de ce qui arrive après.»

Pas de formule magique


Doté d'un budget de 6,7 millions, De père en flic est produit par Cinémaginaire, la société que dirigent Denise Robert et Daniel Louis, producteurs de tous les films d'Émile Gaudreault. Le financement a été en partie rendu possible grâce à une enveloppe à la performance de Téléfilm Canada, obtenue grâce aux films précédents de Gaudreault. La SODEC a de son côté donné son aval très rapidement.

«J'aime la notion de continuité, précise Denise Robert. Avec Émile, nous poursuivons une démarche depuis longtemps. Son approche est très stimulante. Il me pousse à être meilleure tout le temps!»

Le projet, sur papier, semble être une valeur sûre. De père en flic est une comédie policière dont les têtes d'affiche sont deux des personnalités québécoises les plus aimées du public. De surcroît, les avant-premières du film, organisées le jour de la fête des Pères, ont été concluantes. La productrice refuse toutefois de pavoiser d'avance.

«Bien sûr, je suis fière du film, dit-elle. Mais je préfère ne pas faire de pronostics. Par expérience, je sais qu'il est très facile de se planter quand on se crée des attentes nous-mêmes. Il n'y a pas de formule magique. À partir du moment où le cinéaste est content, qu'il a pu réaliser le film qu'il avait envie de faire, moi, je suis heureuse. Pour le reste, on peut simplement croiser les doigts et espérer que les gens vont l'aimer à leur tour. Il est vrai que la première s'est très bien déroulée. Mais je me méfie toujours quand même un peu!»

De père en flic prend l'affiche le mercredi 8 juillet.

Jean-Michel Anctil: Fils de personne

Quand on pense à un acteur pour incarner le chef d'un gang de motards, le nom de Jean-Michel Anctil ne vient pas immédiatement à l'esprit. La productrice Denise Robert a pourtant suggéré à Émile Gaudreault l'idée de convoquer le populaire humoriste à une audition. «J'ai d'abord été surpris par cet appel, puis enthousiasmé, raconte Anctil. J'ai essayé de mettre toutes les chances de mon côté en me composant un look de dur à cuire. Il s'agit de mon premier rôle au cinéma. Je suis très content car j'ai l'occasion de proposer quelque chose de différent, qui peut surprendre le public aussi. J'adore composer des personnages.»

Patrick Drolet:  Le fils manqué

Il est le fils de l'avocat. Il est aussi celui qui, parmi tous les jeunes hommes participant à la thérapie, est aux prises avec les plus graves problèmes de désamour. Son face-à-face avec le paternel constitue indéniablement l'un des temps forts du film. «Très humblement, Émile Gaudreault a manifesté le désir que tout sonne vrai, explique l'acteur. Il voulait qu'on soit dans la vérité, sans nécessairement tout souligner au crayon gras. J'aime cette approche. Et ça clôt, d'une certaine façon, une belle année passée avec Rémy Girard, avec qui j'ai aussi joué dans Le grand départ et Le bonheur de Pierre. Moi aussi j'ai eu l'occasion de voir De père en flic lors de la première et j'ai le sentiment qu'une rencontre a eu lieu.» Patrick Drolet vient par ailleurs d'achever le tournage d'André Mathieu, le dernier des romantiques, le film de Luc Dionne dans lequel il incarne le musicien à l'âge adulte.

Michel Côté: Le père flic


La première fois que Michel Côté a entendu parler de De père en flic, sa compagne, Véronique Le Flaguais, était en train de tourner Surviving My Mother sous la direction d'Émile Gaudreault.

«C'est Véro qui m'a appris qu'Émile avait eu l'idée d'une histoire qu'il destinait spécifiquement à Louis-José et moi. Je trouvais l'idée très bonne mais à mon grand regret, je pensais devoir décliner.»
Deux projets figuraient alors déjà au programme de l'acteur: l'adaptation cinématographique de la télésérie Omerta, de même que le fameux film sur le commandant Piché.

«Je me suis donné comme règle de ne pas tourner plus d'un film par an, explique Côté. Dans la mesure du possible, j'essaie de la respecter. C'est pourquoi j'ai d'abord cru devoir renoncer à De père en flic. Mais je dois avoir une bonne étoile car tout s'est finalement bien mis en place. Omerta est toujours en suspens; et le tournage de Piché a été reporté. Nous le commençons d'ailleurs à la fin de l'été sous la direction de Sylvain Archambault.»

Michel Côté, qui compte désormais plus de 35 ans de carrière, a ainsi pu se glisser dans la peau d'un policier-vedette, déçu par un fils qui, en suivant ses traces, ne se révèle pas tout à fait à la hauteur.

«J'aime le fait qu'Émile ait écrit une franche comédie, dans laquelle il y a quand même une certaine profondeur, un fond de vérité. Les meilleures comédies sont celles qui, consciemment ou inconsciemment, amènent une réflexion. Le conflit des générations est une réalité. Ça existe vraiment. Les récriminations qu'ont les jeunes envers les baby-boomers ne sont pas inventées. Il est vrai que nous faisons partie de la première génération qui a commencé à penser à elle avant tout. Une fois la religion écartée, on a décidé de trouver notre ciel tout de suite plutôt que d'attendre, comme l'ont fait nos parents. En revanche, les jeunes ont parfois tendance à mettre tous leurs problèmes sur le dos de leurs aînés. Il y a des répliques qui font du bien à tout le monde dans ce film-là!»

Visiblement déçu de l'accueil critique - disons difficile - qu'a obtenu Cruising Bar 2 l'an dernier, Michel Côté dit mettre sa tête sur le billot à chaque sortie de film.

«Je suis fier et orgueilleux. J'ai le défaut de ma qualité. Je me mets beaucoup de pression sur les épaules. Mon but ultime est d'atteindre le public, tout en gagnant le respect de mes pairs et de la critique. Au cinéma, un acteur est tributaire de bien des choses. J'ai ainsi tendance à accueillir le succès de façon très modeste. Ça compense pour les fois où l'on fait des erreurs!»

Caroline Dhavernas: La fille flic

Vedette de Surviving My Mother, le film précédent d'Émile Gaudreault, Caroline Dhavernas incarne une collègue policière qui entretenu une liaison sentimentale avec le fils (Louis-José Houde). Ce faisant, l'actrice s'est retrouvée pratiquement seule, plongée dans un monde d'hommes. «Mais il y avait beaucoup de femmes au sein de l'équipe de production, fait-elle remarquer. Je n'ai pas eu du tout le sentiment d'être isolée. Et puis, Émile et moi avions déjà une bonne complicité. Même s'il ne s'agit pas d'un premier rôle, je prends toujours plaisir à participer à un film dont le scénario est aussi solide. Je dois avouer avoir ressenti une étrange impression la première fois où j'ai dû tenir un revolver dans les mains!»

Caroline Dhavernas a récemment tourné Mars et avril, un film de Martin Villeneuve dans lequel elle donne la réplique à Paul Ahmarani, Jacques Languirand et Robert Lepage. Elle tournera bientôt pour HBO un épisode de la série The Pacific.

Rémy Girard: Le père manquant

Rémy Girard prête ses traits à l'avocat d'un gang de motards qui a enlevé un jeune policier. Il est celui que les flics, père et fils, ont pour mission d'approcher clandestinement. De retour d'Europe et de Jordanie, où il a tourné pendant quelques semaines deux films (l'un a été tourné en Suisse avec Laurent Lucas et Natacha Régnier; l'autre a été Incendies de Denis Villeneuve), l'acteur a vu De père en flic pour la toute première fois en compagnie du public lors de la première montréalaise. «Je suis toujours nerveux dans ces cas-là, raconte-t-il. Cette fois, j'ai été heureux et agréablement surpris du résultat. Je me demandais vraiment comment mon personnage - qui n'est pas comique du tout - allait s'insérer dans une aussi franche comédie. En même temps, le film aborde des thèmes qui portent à réfléchir. Mon père est décédé il y a maintenant quelques années et j'ai forcément beaucoup pensé à lui. Je me rappelais nos parties de pêche où, un petit verre de gin aidant, on se parlait des vraies affaires!»

Au programme de l'acteur au cours des prochains mois: le tournage de la troisième saison des Boys à la télé, de même que celui de Cabotins, un film d'Alain Desrochers dont les protagonistes sont d'anciennes vedettes de vaudeville.

Louis-José Houde: L'enfant flic


Le cinéma n'est pas une question de vie ou de mort pour Louis-José Houde. Plus une question de plaisir. Celui de s'abandonner à une création qui ne repose pas entièrement sur ses épaules. Aussi aborde-t-il cette forme d'art avec modestie, comme un esprit curieux devant une expérience prometteuse.

«Même si les deux domaines sont très différents, on dirait qu'il y a des liens directs entre le stand-up et le cinéma, observe-t-il. À part Seinfeld peut-être, tous les humoristes américains font du cinéma. C'est comme un prolongement naturel. Moi qui aime bien prendre mon temps pour créer mes spectacles, je retrouve la même lenteur au cinéma. Ça me plaît bien.»

Fort de sa participation dans Bon Cop, Bad Cop, où il tenait un rôle qui, malgré sa courte durée, lui a donné la piqûre, Louis-José Houde se retrouve aujourd'hui à tenir l'affiche d'un film sur lequel le milieu fonde beaucoup d'espoirs sur le plan du succès au box-office.

«Quand Émile et Denise m'ont appris que le rôle avait été écrit pour moi, j'ai évidemment été très honoré, lance l'humoriste. Mais je leur ai presque demandé de m'auditionner! J'ai comme à peu près zéro expérience; je sais à peine ce qu'est une feuille de service. Mais je me suis mis à lire le scénario. Au bout de deux pages, j'étais déjà debout en train de jouer le personnage! Je n'ai plus eu aucune hésitation, d'autant plus que le type que je joue sonne comme moi!»

Si le personnage a des résonances, Houde apprécie quand même le fait qu'il ne soit pas vraiment écrit en mode comique. «J'aurais eu peur d'en faire trop. Durant tout le tournage, je me suis appliqué à être une coche en dessous de ce que je suis sur scène. Je ne voulais pas que le film devienne un produit dérivé de mon spectacle!»

L'expérience ayant été concluante à ses yeux, l'humoriste verbomoteur compte récidiver.

«Mon premier objectif est de faire de la scène. Mais le cinéma constitue une belle récréation. Je voudrais faire des choix cohérents. Et surtout, ne plus jamais avoir à tourner un film en même temps que j'effectue une tournée. Encore aujourd'hui, je ressens la fatigue d'avoir eu à faire les deux en même temps!»