«J'étais comme sur un fil de fer», raconte à la Mostra de Venise à propos de son dernier tournage avec Jacques Rivette, la Franco-Britannique Jane Birkin, actrice, chanteuse, réalisatrice et bientôt personnage d'un film de Joann Sfar consacré à son compagnon Serge Gainsbourg.

Éternellement juvénile à 62 ans dans une chemise à toile fine largement ouverte, elle rencontre les journalistes sur une plage du Lido pour parler de 36 vues du Pic Saint Loup, signé par le vétéran de la Nouvelle-Vague.

«Lorsqu'on a commencé à tourner je ne savais pas qui était mon personnage, je n'avais pas de scénario : j'étais comme sur un fil de fer», dit-elle dans un entretien à l'AFP.

«Chaque jour, il nous caressait de ce même regard, de cette même complicité, et on apprenait de jour en jour ce qui arrivait à nos personnages, leur passé».

Retrouver Rivette vingt ans après La belle Noiseuse, c'est «comme revisiter un pays auquel vous n'aviez pas eu accès depuis longtemps» poursuit-elle, évoquant des souvenirs.

«Avec ce cher (Michel) Piccoli, on avait tous nos enfants ensemble sur le tournage, c'était une vaste famille. C'était aussi le dernier bonheur d'être avec mon père et ma mère qui étaient là aussi, parce que tout le monde allait mourir, mon père, Serge...» dit-elle, évoquant son absence à Cannes où le film obtint le Grand prix en mai 1991, liée au chagrin de la mort de Gainsbourg, deux mois plus tôt.

Muse de ce dernier avec lequel elle a notamment enregistré des chansons, tourné Je t'aime moi non plus en 1976 et eu une fille, Charlotte Gainsbourg, elle a aussi joué à trois reprises avec le cinéaste Jacques Doillon, son compagnon pendant treize ans et le père de sa fille Lou.

«Je savais qu'il prendrait ce qu'il y avait de mieux en moi. Il voulait que j'ose», dit-elle de lui.

Si elle a tourné avec Michelangelo Antonioni (dans Blow-Up où sa nudité fit scandale) puis Bertrand Tavernier, Jacques Deray, Jean-Pierre Mocky ou Agnès Varda, elle ne s'est jamais départie de son humilité. Pas plus que de son accent même si elle a quitté sa Grande-Bretagne natale il y a 40 ans.

«Je peux aller très loin dans la mélancolie mais je connais mes limites, je ne me suis jamais sentie une véritable actrice professionnelle. Les bons films que j'ai faits, je peux les compter sur les doigts de la main... et j'ai fait plein de merdes!»

En revanche, Jane Birkin ne tarit pas d'éloges sur ses filles actrices et se dit «très fière» de Charlotte, qui a reçu un Prix d'interprétation en mai à Cannes, dans le rôle d'une femme en deuil dans Antichrist de Lars von Trier.

«Elle le méritait mille fois, elle est merveilleuse dans chacun de ses films. Elle désirait tant être reconnue par ses pairs... et par son père».

«Lou a un talent très différent et quand elle a joué Beckett à New York, le New York Times a dit qu'elle était faite pour la scène».

Il y a deux ans, Jane Birkin est passée à la réalisation avec Boxes, un film à coloration autobiographique bien accueilli sur la Croisette, une expérience qu'elle a «adorée».

En revanche, la perspective d'être incarnée à l'écran dans Serge Gainsbourg, une vie héroïque, une biographie filmée par Joann Sfar ne lui plaît pas, et elle n'ira pas «se» voir à l'écran sous les traits de Lucy Gordon.

Elle a d'ailleurs demandé au réalisateur de changer le titre en Un conte de Joann Sfar, jugeant sa vision de la vie de Gainsbourg éloignée de la réalité.

«Serge aurait adoré qu'on fasse un film sur lui. Mais moi, je ne veux pas voir quelqu'un d'autre en Serge».