Elles sont femmes, elles sont rondes, elles s'exposent fièrement comme des stripteaseuses des années 50. Elles sont aussi les vedettes de Tournée, le film étonnant - à défaut d'être accompli - de l'acteur et cinéaste Mathieu Amalric.

On aurait dit qu'elles étaient en train de se pincer pour croire à ce qui leur arrivait. À la table de la conférence de presse du plus prestigieux festival de cinéma du monde trônaient souverainement hier des effeuilleuses issues d'une autre époque. Ou d'un film de Fellini. Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys, Dirty Martini, Julie Atlas Muz et Evie Lovelle entouraient Roky Roulette, le «gars» de la troupe, de même que Mathieu Amalric, coscénariste, acteur et réalisateur de Tournée, premier film présenté hier en compétition officielle.

«Elles ont toutes été formidables! a déclaré, admiratif, celui dont Tournée est le quatrième long métrage en tant que réalisateur. Tout de suite après ce film, j'ai tourné avec des acteurs de la Comédie-Française, à qui je me suis fait le plaisir de montrer des scènes de mon film, histoire de leur montrer de vraies actrices!» lance-t-il en riant.

Tournée se situe aux confins de deux univers. Amalric a d'abord été fasciné par un texte de Colette, L'envers du Music-Hall, mais aussi intéressé par l'émergence, au cours des années 90 aux États-Unis, du cabaret «New Burlesque». Des femmes bien en chair y célèbrent leur féminité en ajoutant à l'art du striptease des éléments théâtraux, satiriques, et... excessifs!

«Au départ, le New Burlesque est un mouvement lesbien, né vers 1995 avec un groupe qui s'appelait le Velvet Hammer, explique Mathieu Amalric. Ces filles portent la politique dans leur corps, une résistance au formatage qui n'a pas besoin de mots. Maintenant le New Burlesque a tout de même été un peu récupéré par des canons de Las Vegas aux corps plus conformes.»

Le film relate la tournée - fictive - qu'effectue la troupe dans la France profonde à la faveur de l'intérêt d'un producteur à succès (Amalric), parti un temps en Amérique pour recommencer sa vie. Le retour dans la mère patrie ne se fera toutefois pas sans heurts pour le producteur, sa vie personnelle et familiale le rattrapant au détour. La gestion de ses artistes n'est pas toujours de tout repos non plus.

Indéniablement, le film a du style. Et propose une approche singulière dans les situations et les dialogues. Une fois les personnages campés, Amalric ne semble cependant plus trop comment mener son intrigue. Le récit tombe dans la redite. Et le dénouement est mou. Cela dit, Tournée a quand même le mérite de nous faire entrer dans un univers particulier, peuplé de personnages intrigants.

«Bien sûr que nous sommes féministes, répond tout de go Dirty Martini quand la question fut posée. Nous nous préoccupons de la condition de la femme dans le monde et, surtout, de ce qu'on lui permet d'exprimer sur le plan sexuel. Cette dimension est encore largement contrôlée par les hommes!»

Un projet vieux d'à peine 60 ans!

Il aura 102 ans cette année. Il est vert comme un jeune homme de 80 ans. Manoel de Oliveira expliquait hier aux journalistes avoir eu l'idée de son plus récent film, L'étrange affaire Angélica, il y a de ça... à peine 60 ans!

«J'ai actualisé, a-t-il dit. J'ai ajouté les thèmes de la pollution et de la crise économique!»

Inaugurant le programme Un certain regard, «l'autre» section officielle du Festival, L'étrange affaire Angélica relate l'obsession d'un homme pour une jeune défunte qu'il a dû photographier à la demande de la famille. Le film s'inscrit d'emblée dans la démarche d'un cinéaste reconnu pour sa rigueur - voire son austérité - et fait aussi valoir en contrepoint un regard bien aiguisé sur la condition humaine. Il faudra toutefois passer outre l'aspect rudimentaire des effets visuels accompagnant ce conte onirique fortement teinté de spiritualité.

Chongqing Blues, deuxième film présenté en compétition, a par ailleurs le mérite de nous faire vivre le quotidien de Chongqing, principale ville de la province de Sichuan, située à l'intérieur de la Chine. Réalisé par Wang Xiaoshuai (Beijing Bicycle), ce drame urbain s'attarde à la quête d'un père absent qui cherche à savoir pourquoi son fils ado, qu'il n'a pas vu depuis des années, a décidé un jour de commettre un acte violent. Sans être remarquable, le film suscite assurément l'intérêt, notamment grâce à ses qualités de réalisation et d'interprétation.