Le cinéma fantastique a produit son lot de savants fous qui ont mené l'humanité au bord de l'abîme. Mais pour une fois, dans le film Splice du canadien Vincenzo Natali, il s'agit d'une femme, une scientifique particulièrement névrosée, jouée par Sarah Polley, qui s'amuse dangereusement avec l'ADN. 

«Je trouvais cela incroyable, pour ce genre de film, qu'une femme soit la scientifique, l'instigatrice, la plus ambitieuse et incontrôlable protagoniste», explique Sarah Polley à propos de son personnage dans Splice. Elle interprète Elsa, une spécialiste de l'ADN, qui travaille conjointement avec Clive (Adrien Brody), un peu à la manière du couple Pierre et Marie Curie, mais version un peu plus «hardcore», disons. En utilisant de l'ADN humain dans une formule hybride, Elsa et Clive vont mettre au monde une nouvelle créature pour laquelle Elsa, refusant de la détruire, développe une étrange affection pas dénuée d'intérêt. «Avec son conjoint, elle est un peu comme une Lady Macbeth, elle le pousse à aller beaucoup plus loin qu'il ne le voudrait.»

Sauf qu'Elsa, on le découvrira, a un passé familial assez trouble, ce qui n'est pas pour simplifier ses relations avec son «enfant» créé en laboratoire. «Elle ne veut pas avoir son propre enfant parce qu'elle a peur de perdre le contrôle. Elle pense qu'elle pourra l'avoir avec cette créature, mais lorsqu'elle se rend compte que non, elle a beaucoup de difficultés à l'accepter.» Cette créature est jouée en partie par Delphine Chanéac, ce qui, de l'avis de l'actrice, était un plus pendant le tournage. «Nous avions vraiment quelque chose à quoi se connecter pour jouer!»

La comédienne avoue avoir foi en la science, qu'elle estime généralement bien encadrée. «On ne trouverait pas de scientifiques qui feraient comme Elsa et Clive, à mon avis, dit-elle en riant. Les chercheurs font un travail nécessaire, essentiel, et suivent des normes.» Une manière de rappeler que Splice, c'est juste du cinéma...

Sarah Polley, découverte dans The Sweet Hereafter d'Atom Egoyan en 1997, n'en est pas à ses premières armes dans le cinéma de genre, ayant joué dans le remake de Dawn of the Dead de George A. Romero par Zack Snyder, le très particulier eXistenZ de Cronenberg ou The Adventures of Baron Munchausen de Terry Gilliam. Mais dernièrement, elle s'est fait connaître comme réalisatrice avec un premier film, Away From Her, inspiré par une histoire d'Alice Munro, ce qui lui a valu une nomination aux Oscars pour le meilleur scénario. Depuis cette expérience, elle souhaite passer moins de temps devant la caméra. «Je crois qu'au bout du compte, c'est plus intéressant d'être derrière la caméra, même si c'est plus difficile, plus stressant, et moins valorisant. Quand on est devant, comme actrice, on s'amuse plus, on profite de tous les instants sur un plateau parce qu'on a moins de responsabilités, alors qu'être réalisatrice, c'est rater un peu du plaisir. Mais j'aime beaucoup réaliser, et je pense que je vais être un bout de temps sans jouer.»

Elle s'apprête à diriger son deuxième film, Take This Waltz, avec Michelle Williams et Seth Rogen, qui abordera la vie de couple. «Cela parle de ce qu'on fait une fois la lune de miel terminée dans une relation. Est-ce qu'on continue? Est-ce qu'on s'arrête? Et comment insuffler un peu de nouveauté si on poursuit?» Sarah Polley travaille aussi à un projet de plus longue haleine, un documentaire sur la narration et la mémoire, sur notre manière d'inventer des histoires dans nos vies. Peut-être parce qu'elle préfère les écrire et les raconter que les jouer...