Ils s'appellent David, Blanche, Brandon et Erynn. Ils ont aujourd'hui entre 12 et 26 ans. Toute leur vie, ils ont cru qu'ils étaient fous. Fous dans leur tête, fous dans leur corps. Souvent, ils ont voulu en finir. Mourir. Aujourd'hui, ils se racontent.

Ça tourne dans ma tête, un documentaire troublant de l'ONF, a été diffusé ces derniers jours dans plusieurs villes canadiennes, dans le cadre de la Semaine de sensibilisation aux maladies mentales. Le film donne la parole à des enfants différents. Des enfants capables de tout casser, de hurler pendant des heures, mordre. Mais des enfants quand même. Et le film en témoigne: on y découvre un garçon souriant ici, qui aime le beurre d'arachides et les jolies blondes; une magnifique jeune femme là, visiblement douée pour les arts et l'écriture. Des enfants comme les autres, donc, mais des enfants malades. Malades d'une maladie qui ne se voit pas. Qui ne se guérit pas. Mais qui se soigne.

«J'ai fait ce film pour démystifier les maladies mentales. J'ai voulu donner la parole aux enfants, donner un visage à la maladie, mettre des mots sur la souffrance», explique la réalisatrice Louiselle Noël, rencontrée hier.

Elle même bipolaire, elle a pris 40 ans avant de se faire diagnostiquer. Quarante années à vivre dans le déni, la honte, et l'enfer de la maladie. «À 40 ans, j'ai craqué. Je suis allée voir mon médecin de famille, et je lui ai demandé de me diriger vers un psychiatre. J'ai passé deux heures dans son cabinet. Depuis, ma qualité de vie a changé à 100 %», confie-t-elle, d'une voix calme, posée, qu'on devine enfin sereine.

On la voit d'ailleurs apparaître, enfant, dans plusieurs petites capsules du documentaire: tantôt en position foetale, tantôt cachée sous un lit, toujours «étranglée par la peur».

«Ç'a été plus facile pour moi de rencontrer ces enfants. J'ai pu créer un climat de confiance en leur disant que moi-même, j'étais malade», poursuit la réalisatrice. Selon elle, si les maladies mentales demeurent à ce jour aussi tabou, c'est une question d'ignorance. «Les gens qui souffrent de maladies mentales ont des comportements différents, alors on les met à part. On les stigmatise. C'est de l'ignorance.»

On entend d'ailleurs une mère en témoigner dans le film. Un voisin lui demande comment va sa fille: «J'ai entendu dire qu'elle était folle.» Le commentaire qui tue.

Le documentaire donne également la parole aux parents, qui, souvent, culpabilisent («Est-ce que je l'ai trop gâté?»), vivent dans le déni («Je ne voulais pas accepter»), et bien souvent l'impuissance («Il cognait sa tête contre les murs, je lui disais d'arrêter, mais il n'arrêtait pas...»). Un père dénonce aussi le traitement qui leur est réservé: «Un épileptique, un diabétique, on lui donne un médicament. Mais si on arrive à l'hôpital avec un enfant qui souffre d'une maladie mentale, on dit d'aller prendre un cours! Il y a trop de préjugés!»

Or, la médication, dans ces cas bien précis, apporte «beaucoup d'espoir», conclut la réalisatrice. Son documentaire et son histoire personnelle en témoignent. «Cela nous permet de passer du désir de mourir au désir de vivre.»

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Ça tourne dans ma tête, réalisé par Louiselle Noël, sera mis en vente dès la semaine prochaine sur le site de l'ONF (www.onf.ca) et sera projeté au cinéma ONF, du 25 au 28 novembre, à 19 h.

DESSINER ET ÉCRIRE, POUR S'EN SORTIR

Blanche-Véronique, que l'on découvre dans Ça tourne dans ma tête, a accepté de témoigner, seule et à coeur ouvert, sur le site web interactif de l'ONF: «Ça tournait dans ma tête» (catournaitdansmatete.onf.ca). Souffrant de dépression, de troubles bipolaires et de schizo-phrénie depuis l'adolescence, c'est à travers le dessin et l'écriture qu'elle a réussit à s'en sortir, notamment. Elle présente ici ses oeuvres et ses réflexions, tant sur la maladie que sur la médication.

catournaitdansmatete.onf.ca

VOYAGE AU PAYS DU MAL DE VIVRE

Catherine a 18 ans. Brillante, elle a toujours très bien réussi à l'école. Mais elle a aussi été «en dépression, on et off, depuis la cinquième année du primaire». Le photographe Louis Perreault, la journaliste Eugénie Francoeur et le concepteur sonore Cédric Chabuel proposent avec Otage de moi, une oeuvre virtuelle sonore et photographique de l'ONF, un voyage dérangeant dans le mal de vivre de la jeune femme.

interactif.ONF.ca/otage

BORDERLINE, LE DOCUMENTAIRE

Le trouble de la personnalité limite (ou borderline), est la maladie mentale la plus répandue au sein de la société, touchant de 4 à 6 % de la population. Malgré tout, il demeure méconnu, et ses répercussions sur les proches sont encore nébuleuses. Avec Les miroirs déformants, le réalisateur Étienne Gervais donne la parole à des spécialistes, des parents, des proches, et bien sûr, des patients, plongeant le spectateur dans un univers troublé, troublant.

Disponibles sur le site www.anagramfilms.ca