Avec Buried, un film claustrophobe et minimaliste qui enferme le spectateur dans un cercueil pendant une heure trente, l'Espagnol Rodrigo Cortés fait la leçon aux studios hollywoodiens, qui ont laissé filer un scénario en or qu'ils jugeaient «impossible à tourner».

Dévoilé en janvier au Festival américain de Sundance, Buried a depuis écumé avec succès les festivals - dont Deauville, San Sebastian et Toronto -, avant de sortir vendredi dernier aux États-Unis, son «pays d'origine».

Le script de l'Américain Chris Sparling «a circulé pendant un an à Hollywood. Il plaisait beaucoup à tout le monde mais il était considéré comme impossible à produire et à tourner. Pour ma part, je pensais exactement le contraire», raconte Rodrigo Cortés à l'AFP.

Le cinéaste de 36 ans, auteur du long métrage El Concursante (2007) et d'une douzaine de courts métrages, a donc acquis les droits du scénario avec ses associés espagnols et est allé le tourner à Barcelone en 17 jours.

Très éprouvant pour les nerfs, le film met en scène un camionneur américain, Paul Conroy (Ryan Reynolds) kidnappé en Irak et enfermé vivant dans un cercueil avec un briquet, un stylo et un téléphone cellulaire. Ses ravisseurs lui ont donné 90 minutes - le temps du film - pour réunir l'argent de la rançon.

«Nous avons décidé de faire le film en Espagne pour avoir un contrôle absolu sur la création et pouvoir faire toutes les choses impossibles à réaliser si nous avions travaillé avec un studio», dit-il.

Difficile en effet d'imaginer qu'un producteur hollywoodien eut accepté que le film commence - et reste plusieurs minutes - dans la plus complète obscurité, ou soit confiné pendant 90 minutes dans l'unique espace du cercueil.

«Ce n'est pas une prise de position contre les studios», affirme Rodrigo Cortés. «Beaucoup de mes films préférés viennent d'Hollywood. Mais si tu as un projet avec une vision très précise, auquel tu crois particulièrement mais qui va à l'encontre du sens commun, mieux vaut trouver une façon de le réaliser par tes propres moyens pour rester fidèle à ton idée», dit-il.

Si l'entreprise était risquée sur le papier, elle n'en restait pas moins ambitieuse. «On me disait souvent: «Il va être comment ton film? Expérimental, obscur, pour les musées?» Et je répondais: «Non, ça va être Indiana Jones dans une boîte!»», s'amuse le cinéaste.

Pour filmer «l'impossible», son secret a été de «convertir l'histoire en une expérience physique. Il fallait que les spectateurs ressentent ce que ressent Paul Conroy, qu'ils se retrouvent dans une montagne russe d'émotions qui les fassent sortir de la salle avec deux kilos en moins».

Il a donc fait abstraction du lieu - «j'ai fait comme si je tournais à New York ou dans la jungle» - pour se concentrer sur les émotions et les sensations. «Ensuite seulement, nous avons cherché la manière de faire entrer tout cela dans un cercueil», dit-il.

Le film revendique également sa part d'humour noir et de critique sociale, notamment lorsque le personnage, six pieds sous terre, appelle le FBI à l'aide et se voit renvoyé de service en service.

«Les histoires minimalistes ont des vertus allégorique ou métaphoriques très puissantes», estime Rodrigo Cortes. Elles décrivent «l'homme moderne dans ce monde de plus en plus kafkaïen, impersonnel, complexe et absurde, qui est le système occidental, indépendamment des idéologies et des politiques».

«Si on s'identifie autant à Conroy, c'est parce qu'on a tous essayé de résilier notre abonnement téléphonique et qu'on a passé 40 minutes à appuyer sur les touches 1 et 2 sans jamais pouvoir parler à un être humain», dit-il.