Pour son premier film américain, le cinéaste islandais Baltasar Kormakur s'est plongé dans «le monde effrayant» du trafic d'organes entre les États-Unis et le Mexique, en mettant en scène un couple d'Américains prêts à tout pour sauver la vie de leur enfant.

Inhale, qui sort vendredi en Amérique du Nord, décrit de façon ultra réaliste la descente aux enfers de Paul et Diane (Dermot Mulroney et Diane Kruger), un couple de riches Américains de Santa Fe décidés à vendre leur âme au diable pour trouver à Juarez, au Mexique, un poumon pour leur fille.

Baltasar Kormakur, qui signa notamment 101 Reykjavik avec Victoria Abril (2000), s'était vu proposer de tourner aux États-Unis après le succès de ses films en Amérique du Nord. «Mais on ne me proposait que des films d'horreur et pas forcément les meilleurs scénarios», raconte-t-il à l'AFP.

«Si on me donnait l'opportunité de faire un film aux États-Unis, je voulais que ce soit dans la veine de ce que j'avais fait auparavant», dit-il. Or ce qu'aime filmer Baltasar Kormakur, ce sont des histoires qui prennent aux tripes.

«Je ne suis pas intéressé par les films branchés ou cool. J'ai toujours été fan des thrillers comme Mississippi Burning (Alan Parker, 1988) ou Witness (Peter Weir, 1985). Ce que je cherche, ce sont des sujets bruts, pour montrer la réalité des choses», explique-t-il.

Sa plongée dans le monde interlope des trafiquants d'organes, décrite dans le film avec une crudité presque documentaire, a été pour lui autant un choc qu'une révélation. «Je ne savais pas grand chose de ces histoires, et cela m'intriguait. Je n'avais pas idée de l'étendue du trafic. Ici même aux États-Unis, des gens franchissent la ligne» de l'illégalité, raconte-t-il.

«La chance de bénéficier d'un don d'organes est d'une sur dix, alors quand vous avez de l'argent, vous pensez d'abord à vous», dit-il.

«Quand je suis allé à Juarez pour faire des repérages et me rendre compte de la situation sur place, j'ai découvert un monde terrifiant», assure-t-il.

«Nous allions dans des hôpitaux privés qui appelaient aussitôt la police car ils ne voulaient pas que nous restions là. On ne faisait rien de spécial, on venait juste poser des questions», se défend-il.

Juarez, une ville frontalière de plus de 1,4 million d'habitants située face à la ville texane d'El Paso, est considérée comme la ville la plus dangereuse du Mexique. Plus de 2500 personnes y ont été tuées cette année, principalement dans la «guerre» que livre la police aux narcotrafiquants.

«Il était impensable de trouver une assurance qui couvre un tournage à Juarez et nous avons dû recréer les scènes mexicaines à El Paso», déplore le cinéaste, âgé de 44 ans.

Pour Baltasar Kormakur, né de mère islandaise et de père espagnol, Inhale marquait un retour au Mexique où il avait vécu avec ses parents à l'âge de 11 ans, et dont la violence l'avait déjà frappé à l'époque.

«Déménager au Mexique, quand on vient d'Islande, c'est assez impressionnant. Je me souviens que le chauffeur du bus scolaire était armé, car il y avait beaucoup d'enlèvements, se souvient-il. Un chauffeur de bus armé, c'est inimaginable en Islande!»

Avec son film, remarquablement interprété, il ne prétend pas «dire ce qui est bien ou mal». Il le considère avant tout comme «une occasion de parler (du trafic d'organes), et d'amener les gens à réfléchir sur le sujet».