Pour la 16e fois, Cinémania s'apprête à braquer ses projecteurs sur des films de langue française. Rencontre avec deux organisatrices persévérantes, malgré un contexte difficile.

Le 1er novembre 1995, soit à peine deux jours après un référendum dont les résultats n'auraient pu être plus serrés, un festival de films francophones sous-titrés en anglais a vu le jour à Montréal.

À l'époque, la pertinence d'une manifestation cinématographique de cette nature n'était pas évidente aux yeux de tous. La plupart des films sélectionnés à l'époque ayant déjà eu une carrière commerciale en salle, ce festival ne suscitait guère d'intérêt dans la communauté francophone.

«Mais nous avions quand même eu droit à des fonds du gouvernement provincial, alors dirigé par le Parti québécois, rappelle la présidente et fondatrice de Cinémania, Maidy Teitelbaum. Je crois qu'on voulait faire un geste d'ouverture vers la communauté anglophone.»

Quinze ans plus tard, cette image d'un «festival franco destiné aux anglos» ne correspond plus du tout à la réalité. Au fil des ans, Cinémania, l'une des rares manifestations à réunir les deux solitudes sans que l'une ou l'autre se sente brimée ou exclue, a pris du galon.

Aujourd'hui, ce festival attire 20 000 spectateurs, francophones en majorité. Distributeurs locaux, vedettes de renom et public fidèle se donnent désormais rendez-vous à ce «festival boutique» dont la programmation est désormais entièrement composée de primeurs nord-américaines, canadiennes ou québécoises. Le cinéma français ayant plus de mal à se faire valoir dans les salles Montréalaises depuis quelques années, plusieurs des oeuvres présentées à Cinémania ne prendront jamais l'affiche chez nous par la suite.

«Il n'y a pas vraiment de marché du film, chez nous, mais les distributeurs locaux viennent tâter le pouls du public, ça, c'est sûr, soutient la directrice générale, Geneviève Royer. Il arrive que certains longs métrages trouvent preneur par la suite.»

Sans compromis

Cela dit, personne ne fait de cadeau au festival. Du côté du financement public, Cinémania n'a droit qu'à une «toute petite» somme de la part de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec. Il n'obtient aucun appui financier des institutions fédérales ou municipales. C'est dire qu'il fonctionne toujours grâce à ses commanditaires.

«De ce côté, nous avons connu une année plus difficile, reconnaît l'ardente francophile Maidy Teitelbaum. Les entreprises ont été obligées de réduire leurs budgets à cause de la crise économique. Nous devons faire autant avec moins.»

«Nous ne faisons toutefois aucun compromis sur la qualité de la programmation et des projections, précise Geneviève Royer. Actuaire de formation et ancienne critique de cinéma (Mirror, Séquences, The Gazette, CBC), elle agit à titre de directrice générale depuis cinq ans.

Tout le monde - Maidy Teitelbaum la première - reconnaît l'essor qu'a connu Cinémania depuis sa création.

«Mais nous devons tout reprendre à zéro dès le lendemain du festival, fait-elle remarquer. Notre budget est à sec, et le personnel permanent se limite à nous deux! On nous demande souvent de faire voyager ce festival ailleurs au Québec et au Canada, mais cela n'est pas envisageable, faute de financement.»

Bien que certains distributeurs utilisent Cinémania comme rampe de lancement pour leurs poulains français, la programmation du festival ne se construit pas en claquant des doigts. La multiplication des festivals - et leur concentration dans la saison automnale - vient parfois compliquer les choses.

«Il arrive aussi que nous ayons à négocier directement avec des distributeurs américains ou canadiens qui détiennent les droits de certains films français, explique Geneviève Royer. Or, ces gens-là ont parfois du mal à comprendre la singularité du marché québécois. Non, il n'y a rien d'évident.»

La bonne taille

Pour toutes ces raisons, les deux femmes sont particulièrement fières de leur programmation cette année. «C'est la meilleure de notre histoire!» a affirmé sans ambages la présidente au cours d'une conférence de presse tenue plus tôt cette semaine. Entre Copacabana, film d'ouverture présenté jeudi en présence d'Isabelle Huppert, et Potiche, réjouissant film de clôture signé François Ozon, 28 longs métrages seront traités aux petits soins dans le plus beau cinéma de la ville pendant 10 jours.

«La taille de ce festival nous convient parfaitement, ajoute la directrice. Chaque film a droit à ses égards et nous préférons la qualité à la quantité. Comme les projections ont lieu à un seul endroit, plusieurs de nos festivaliers tiennent à voir tous les longs métrages que nous leur proposons.»

«L'appui fidèle de nos spectateurs et le plaisir qu'ils prennent à fréquenter ce festival nous sert de motivation dans les moments plus difficiles», soutient de son côté la fondatrice.

Rappelons que toutes les projections de Cinémania se déroulent au cinéma Impérial avec des copies 35 mm. Les longs métrages sont présentés avec des sous-titres anglais, de même que des sous-titres français pour les films comportant des passages tournés dans d'autres langues. «Une simple question de respect», explique Geneviève Royer.

Le 16e Festival Cinémania aura lieu du 4 au 14 novembre. Prévente des billets le 3 novembre au cinéma Impérial. Pour consulter l'ensemble de la programmation : www.cinemaniafilmfestival.com