La criminalité est sale, indigne, répréhensible. Mais elle est aussi silencieuse. Son silence est un thème récurrent dans la filmographie de Marc Bisaillon, auteur de La vérité.

Le silence de la criminalité. Le silence comme vecteur de la criminalité. Le silence qui pèse lourd dans une vie ou que certains balaient sous le tapis. Le silence coupable. Et parfois honteux.

Dans La vérité, nouveau film de Marc Bisaillon, il est complice. Complice entre deux jeunes, Yves (Émile Mailhot) et Gabriel (Pierre-Luc Lafontaine), coupables d'un horrible crime. Et complice entre Caroline (Geneviève Rioux), policière, et son fils Gabriel.

«Le silence m'obsède par rapport à la criminalité, dit le réalisateur en entrevue. Dans mon premier film, La lâcheté, il était question du silence du témoin, ce que je trouve très troublant. Dans La vérité, il est question du silence des coupables, ce qui les rend encore plus coupables.»

Ce film, Bisaillon l'a construit autour d'un fait divers qu'une connaissance lui a raconté. Quelque part au Québec, deux jeunes ont commis un crime. Jonglant chacun avec leur conscience, ils ont pris des chemins différents. Sur cette prémisse, le réalisateur a écrit plusieurs versions d'un scénario et campé l'histoire à Saint-Hyacinthe, ville qu'il habite depuis des années.

«La vraie histoire ne s'est pas déroulée à Saint-Hyacinthe, assure-t-il. Et je crois que les vrais protagonistes étaient des délinquants purs et durs. Mais je ne voulais pas reproduire de tels personnages. Je voulais des jeunes ordinaires, avec des parents ordinaires. Des jeunes auxquels on peut s'identifier.»

Geneviève Rioux partage et salue cette vision. «Ce qui est troublant, c'est que cette histoire pourrait arriver à presque tous les jeunes de cinquième secondaire, dit cette mère de deux adolescents. Ils sont un peu délinquants, comme on l'est tous, mais ce sont de bons petits gars. Souvent, dans le cinéma québécois, on dépeint des familles urbaines et dépourvues. Là, on est dans une ville moyenne avec deux jeunes dont les parents se connaissent et qui fréquentent une école privée. Ce n'est pas un portrait misérabiliste, de sorte qu'on peut tous se reconnaître et se dire: Aïe! Ça pourrait arriver à mes jeunes, à mes neveux, à mes nièces, à mes voisins.»

Question sans réponse

Ce qui nous amène à LA question: et si cela vous arrivait? Tant Mme Rioux que M. Bisaillon (qui a trois enfants) évoquent ce premier réflexe qu'ont les parents de vouloir protéger leur enfant. Ils proposent donc le silence. Pour ensuite nuancer leur réponse.

«Ma seconde réaction est de vous dire que je ne le sais pas, dit Marc Bisaillon. Peut-on vivre avec une telle chose sur la conscience? Je ne le sais pas.»

«C'est un vrai dilemme, concède Geneviève Rioux. Dans le cas du film, se dénoncer ne ramènera pas la victime. Mais si tu vis mal avec ça...»

«Je n'ai pas eu le choix de me poser cette question sans jamais avoir été capable de trouver une réponse. C'est un petit peu hard», dit de son côté le comédien Émile Mailhot.

Le jeune acteur a apprécié le choix de Bisaillon de se mettre en retrait de son film. «Marc met beaucoup l'accent sur ses personnages, dit-il. Et ça, c'est comme un cadeau. Il n'est pas omniprésent dans la réalisation. L'histoire prime tout. Les personnages dirigent la narration.»

La vérité sort en salle le 18 mars.