Une commission du cinéma russe a désigné le dernier film de Nikita Mikhalkov, La Citadelle, pourtant éreinté par la critique et boudé par le public, pour concourir aux Oscars américains, suscitant de vives critiques mardi à l’encontre du cinéaste proche du pouvoir.

Le chef de la commission, le réalisateur Vladimir Menchov -- lui-même lauréat d’un Oscar en 1981 pour Moscou ne croit pas aux larmes -- a contesté publiquement la décision prise selon lui sous l’influence de Nikita Mikhalkov.

Il s’est indigné, à l’antenne de la radio Echo de Moscou, que ce film ait été préféré à ses concurrents, Faust d’Alexandre Sokourov -- qui vient d’obtenir le Lion d’Or à Venise -- et Elena d’Andreï Zviaguintsev, Prix spécial du jury au dernier festival de Cannes.

«Le film [La Citadelle] a été éreinté par la critique, n’a été à l’affiche nulle part à l’étranger (...), et plus important encore, les entrées ont été catastrophiquement basses en Russie», a relevé Vladimir Menchov.

Le film a obtenu lundi soir cinq des huit voix de la commission.

Nikita Mikhalkov a présenté son film à la désignation «en sachant qu’il l’emporterait, parce que la commission n’est pas composée de la meilleure des façons, elle comporte des gens qui sont ses subordonnés», a dit M. Menchov.

«Tout dépend du pouvoir personnel de Mikhalkov», a-t-il encore déclaré à Interfax.

L’auteur de Soleil trompeur (Oscar du meilleur film étranger en 1994) domine en effet avec autorité -- autoritarisme selon ses détracteurs -- l’Union des cinéastes russes et dirige ou participe à nombre d’instances officielles.

Le propre frère de Nikita Mikhalkov, le réalisateur Andreï Kontchalovski, (La Maison de fous, Lion d’argent à Venise en 2002), a désavoué le choix de la commission.

«Non, je n’aurais pas voté pour le film La Citadelle», a-t-il à Echo de Moscou.

«Le cinéma (russe, ndlr) a été mené à la division, naturellement, par certains agissements de Nikita Sergueïevitch» Mikhalkov, a-t-il ajouté.

Nikita Mikhalkov et Andreï Kontchalovski sont les fils de l’auteur des paroles de l’hymne soviétique, le poète Sergueï Mikhalkov. Kontchalovski porte le nom de sa mère.

L’auteur de Soleil trompeur est au centre de nombreuses controverses ces dernières années en Russie, que ce soit pour les circonstances contestées de sa réélection à la tête de l’Union des écrivains, pour des déclarations dénoncées par ses détracteurs comme relevant de la mégalomanie, ou pour les privilèges que lui ont accordé parfois sa proximité avec le pouvoir, comme un gyrophare sur sa voiture personnelle.

«Une fois de plus, la commission russe des Oscars a préféré le copinage au bon sens», estimait de son côté mardi le quotidien Moskovskie Novosti.

Le film La Citadelle complète après un premier volet appelé L’Exode une grande fresque d’inspiration patriotique sur la seconde guerre mondiale, dans laquelle Nikita Mikhalkov s’est attribué le premier rôle.