«Nous innovons en tout!» Voilà ce qu'a déclaré Serge Losique hier soir sur la scène du cinéma Impérial, «ce temple culturel unique au Québec, sinon au Canada, qui a mis beaucoup de temps à être sauvé».

«Ça va beaucoup aider le FFM!» Faisant bien entendu allusion au soutien de Québecor, venue plus tôt cette semaine à la rescousse du vénérable théâtre, le grand manitou du Festival des films du monde a mis l'accent dans son allocution sur le virage écologique qu'a pris sa manifestation, d'où la mise en place, sur le parvis du cinéma, d'un tapis... vert!

«On est écologique ou on ne l'est pas!», a-t-il dit avant de lancer des pointes à Al Gore, grand militant de la cause environnementale «qui voyage quand même en jet privé, et ça pollue», ainsi qu'à la direction de la Ville de Montréal. «Il faut choisir. Ou la pollution [la Formule 1], ou l'écologie [la Formule électrique]!» Ce militantisme vert expliquerait ainsi pourquoi toute la documentation liée à la tenue du FFM est désormais offerte exclusivement sur l'internet. «On sauve des arbres!», a justifié M. Losique, tout juste avant d'expliquer que la présidente du jury, Fanny Cottençon, était arrivée au cinéma à pied, sans limousine, «parce que le cinéma est né comme ça, dans la rue». 

«Un tapis rouge symbolise les puissants qui écrasent le peuple. Voilà pourquoi il n'y en a plus ici.»

De son côté, la présidente du jury a salué son hôte et s'est dite ravie de séjourner à Montréal pour la toute première fois. Rappelons que l'actrice française sera appuyée dans sa tâche par le cinéaste québécois Roger Cantin, ainsi que par trois partenaires qui exerceront leur tâche à distance. L'un d'eux est un critique chinois et un autre a réclamé l'anonymat «afin de ne pas être inondé de courriels». Le producteur torontois Andre Bennett complète ce jury.

Un public fidèle à la rescousse

Même si, il y a quelques jours à peine, peu de gens auraient parié sur la tenue d'une soirée d'ouverture, le 41e Festival des films du monde a quand même été lancé hier soir de façon honorable. La direction a d'ailleurs fait preuve de flair en laissant au public la possibilité de se procurer des billets pour une soirée d'ouverture habituellement réservée à des invités. Dire que la salle était remplie à craquer serait mentir, mais elle n'était pas vide non plus.

Compte tenu des circonstances, il aurait été franchement difficile de faire mieux. Organisé sans aucun financement public, tenu à bout de bras par une équipe formée de bénévoles, complètement abandonné par le milieu du cinéma (aucun distributeur local n'a inscrit de film à la manifestation), dévoilant sa programmation au compte-gouttes à l'ombre des médias, qui ne sont pas tenus au courant, ce festival a dû se résigner à un régime spartiate. 

Les oriflammes indiquant la présence du FFM dans les rues ont disparu (tout comme le cinéma à la belle étoile), et le Quartier des spectacles était davantage animé hier par le Festival Mode & Design et son aspect festif.

Oui, mais... le film d'ouverture?

Pour lancer la 41e édition, Serge Losique a choisi un long métrage russe, réalisé par Karen Shakhnazarov, qui dirige aussi depuis près de 20 ans les destinées des studios Mosfilm. Manque de pot, son équipe n'a pu être présente hier soir pour une question de retard dans la délivrance des visas, nous a-t-on dit. 

Anna Karenina: Vronski's Story est un film de facture très classique, mais de fort belle tenue. 

Produit avec un budget d'environ 10 millions de dollars, entièrement financé par la télévision russe (c'est du moins ce qu'a affirmé le cinéaste dans une interview accordée au journal Variety il y a quelques mois), le drame emprunte une approche un peu différente des (nombreuses) autres adaptations, dans la mesure où l'histoire de l'héroïne tolstoïenne est cette fois racontée à travers les yeux de celui qui fut son amant.

Au départ, le récit entraîne le spectateur en Mandchourie en 1904, alors que la guerre russo-japonaise fait rage. Sergueï Karénine (Kirill Grebenshchikov), maintenant responsable de l'hôpital militaire, doit soigner un officier blessé au combat. Ce colonel Vronski (Max Matveev), que Karénine n'a pas vu depuis des décennies, a ainsi l'occasion de donner au fils de son ancienne maîtresse Anna (Elizaveta Boyarskaya) sa propre version des faits à propos d'une tragédie intime survenue 30 ans plus tôt.

Le récit se décline ainsi en de nombreux retours en arrière, au coeur d'un drame romantique campé à la grande époque de l'Empire russe. Le cinéaste, qui, selon des notes biographiques publiées sur Wikipédia, aurait signé une lettre d'appui au président Vladimir Poutine à propos de la politique adoptée par le gouvernement russe en Ukraine et en Crimée, propose ainsi des scènes spectaculaires rappelant la grandeur de l'époque impériale. Le récit est aussi parsemé de quelques plans-séquences fort bien maîtrisés. Et l'interprétation est de tout premier ordre.

Anna Karenina: Vronsky's Story sera de nouveau présenté samedi, à 11 h, au cinéma Impérial.

Des nouvelles du Cinéma du Parc et du Cinéma Dollar

Par ailleurs, signalons que la liste des séances au Cinéma du Parc est maintenant en ligne sur le site du FFM. La liste des séances au Cinéma Dollar sera mise en ligne demain, et les projections commenceront à cet endroit seulement lundi.

Le 41e Festival des films du monde poursuivra son chemin, à sa façon, jusqu'au 4 septembre.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE

Un tapis vert a été posé devant le cinéma Impérial, clin d'oeil à l'aspect écologique du FFM, selon Serge Losique.