Le mariage, c'est bien, mais c'est long: c'était la citation du jour hier, alors que le 40e Festival des films du monde (FFM) arrivait à mi-parcours et retrouvait une certaine erre d'aller au Cinéma Impérial, où les films de la compétition font souvent salle comble.

Le mariage, c'est long notamment parce que les gens maintenant vivent jusqu'à 100 ans. C'est du moins l'opinion du réalisateur tchèque Radek Bajgar, qui l'a livrée hier à la fin de la présentation de Tiger Theory - La théorie du tigre -, déclenchant un immense éclat de rire dans la salle bondée de l'Impérial. Il faut dire que le public s'est beaucoup amusé des aventures de Jan, vétérinaire au bord de la retraite qui, après un trop long mariage, en est venu à la conclusion que les femmes cherchent peut-être à épouser un tigre, mais que la plupart du temps, c'est pour mieux le dompter et en faire, en fin de compte, un lapin.

Fatigué d'être ce lapin dominé par sa femme, Jan a subitement, au tournant de la soixantaine, soif de liberté. Mais comme il a grandi sous le régime communiste, la liberté est un concept peu familier. C'est pourquoi, au lieu de demander le divorce, il se fait passer pour fou et interner par sa femme. Comme il est de mèche avec le directeur de l'hôpital psychiatrique, il s'évade sans difficulté et part vivre sa vinaigrette sur les routes de la campagne tchèque. Le film a connu un grand succès en République tchèque. Pour son humour, pour son acteur principal, Jiri Bartoska, une vedette du cinéma tchèque, mais aussi, j'en suis convaincue, pour son sous-texte politique et sa critique en douce du communisme.

À première vue, les femmes dans ce film, aussi bien l'épouse, sa fille que la grand-mère, sont présentées comme des monstres de contrôle et de rigidité qui étouffent leurs maris sous des montagnes de bonne volonté. Mais elles sont aussi une belle métaphore du communisme, celui qui a empêché tout élan d'indépendance de fleurir chez la génération des Tchèques qui ont aujourd'hui 60 ans et qui, comme Jan, ont soif de liberté et qui sont la source d'inspiration de ce petit film rafraîchissant.

Difficile d'en dire autant de La Madre, de l'Espagnol Alberto Morais, un cinéaste de Valladolid qui, sur sa page Facebook, se réjouit depuis plusieurs semaines d'être de la compétition du prestigieux FFM. De toute évidence, Alberto n'avait pas lu les journaux montréalais. Qu'à cela ne tienne.

La Madre raconte l'histoire de Miguel, un ado de 14 ans menacé d'être placé en foyer d'accueil à cause d'une mère inapte et inadéquate. Même si sa mère se fout éperdument de lui, Miguel tient à rester avec elle et résiste avec l'énergie du désespoir à ceux qui veulent le placer. Le film nous entraîne au coeur de réalités sociales dures, où la pauvreté et la misère affective sont souveraines. 

Des films sur l'adolescence malheureuse comme celui-là, on en a vu des dizaines, en commençant par Les quatre cents coups de Truffaut, jusqu'à Desde alla, le Lion d'or de Venise l'an passé. Mais comme Alberto Morais n'a pas une grande écriture cinématographique et qu'il se tient toujours au ras des pâquerettes sans réussir à transcender son sujet, il suscite plus notre ennui que notre sympathie, notre compassion ou notre admiration.

Au moins, ce film-là, comme tous les autres au FFM, nous a permis de voyager. Or, hier, en plus d'aller faire un tour en Espagne et en République tchèque, le public a été invité, le temps d'un court métrage, au Kurdistan. Les films de cette région sont rares et d'autant plus fascinants. Mais si on se fie à Bold - Intrépide -, disons que les cinéastes kurdes ont du chemin à faire avant de maîtriser le septième art et, surtout, de nous faire comprendre ce qu'ils veulent dire.

Pour le reste, le FFM se porte mieux que prévu. Le public est au rendez-vous tous les jours à l'Impérial.

Et comme une bonne nouvelle n'arrive pas seule, voilà qu'après le dépannage du Théâtre Outremont, qui a offert gracieusement sa salle pour les projections annulées du Cineplex Forum, c'était au tour du Cinéma du Parc d'ouvrir ses salles vendredi et lundi prochains pour y projeter gratuitement les films étudiants inscrits au FFM.

Bref, un vent de solidarité semble souffler sur un festival qui est passé à un cheveu de l'effondrement et qui renaît lentement de ses cendres. Quant à ceux qui croyaient que c'en était fini pour de bon du FFM, ils vont devoir prendre leur mal en patience.

Photo fournie par la production

La Madre, du cinéaste espagnol Alberto Morais, raconte l'histoire de Miguel, un ado de 14 ans menacé d'être placé en foyer d'accueil à cause d'une mère inapte et inadéquate.