Il se définit comme un «cinéaste sentimental». Avec Plaire, aimer et courir vite, en compétition jeudi à Cannes, Christophe Honoré signe une histoire d'amour entre deux hommes dans les années 90 sur fond d'épidémie de sida, une manière de «faire revivre sa jeunesse».

«J'avais envie de raconter une histoire d'amour qui a un double effet: qui accélère les débuts dans la vie d'un jeune homme, et qui, d'une manière beaucoup plus cruelle au contraire, accélère la fin d'un homme qui n'est pas si âgé», raconte à l'AFP le réalisateur français de 48 ans, qui n'était plus venu en compétition au Festival de Cannes depuis Les chansons d'amour en 2007.

«Il y avait un peu l'idée, dans une même journée, de faire l'aube et le crépuscule, qu'une même histoire soit vécue d'une manière complètement différente par deux héros», ajoute-t-il.

Plaire, aimer et courir vite est l'un des deux films en lice pour la Palme d'or à Cannes projetés ce jeudi, avec Cold War de Pawel Pawlikowski.

Pierre Deladonchamps (L'inconnu du lac) y incarne Jacques, un écrivain parisien, homosexuel et père d'un jeune garçon. Un jour, à Rennes, il rencontre Arthur (Vincent Lacoste), un étudiant avec qui il entame une liaison. Ils vont s'aimer le temps d'un été alors que Jacques, malade du sida, sait qu'il n'a plus beaucoup de temps devant lui.

«Plus personnel»

Avec ce film, son onzième long métrage, Christophe Honoré revient - après Les malheurs de Sophie, adaptation libre de la Comtesse de Ségur - à une veine plus intimiste, celle de Dans Paris ou des Chansons d'amour.

«Souvent, les films se construisent en opposition au précédent. J'avais fait deux films en fait autour des fables, Les malheurs de Sophie et Métamorphoses, et donc j'avais envie de revenir à un récit plus personnel. Ça faisait longtemps que je tournais autour (...) de l'idée de filmer ma jeunesse, en tout cas de revivre, grâce au cinéma, ma jeunesse», explique le cinéaste.

Avec une bande-son de la fin des années 80 et des années 90, de Massive Attack au groupe Cocteau Twins, le film, dont la part autobiographique a été «très grande au moment du scénario», s'est inspiré de la vie du réalisateur, lui-même étudiant à Rennes dans ces années là, pour mieux s'en éloigner.

Il est porté notamment par les performances de ses acteurs, Pierre Deladonchamps - qui «a guidé et le personnage et le film», selon le cinéaste -, Vincent Lacoste - "l'acteur le plus excitant de sa génération" - et Denis Podalydès, dans le rôle du meilleur ami, voisin et ancien amant de Jacques.

«Ce film apparaît plus évidemment personnel et autobiographique. Mais à partir du moment où vous passez par le corps des acteurs, où vous êtes très incarné, le romanesque s'infiltre vite dans un film», souligne Christophe Honoré.

Après Campillo

Si Plaire, aimer, et courir vite aborde à nouveau les années sida, déjà au coeur de 120 battements par minute de Robin Campillo - vaste fresque sur le combat de l'association Act Up qui avait fait sensation l'an dernier à Cannes, où elle avait été récompensée par le Grand Prix - Christophe Honoré souligne «ne pas du avoir tout le même projet ni de cinéma, ni d'histoire» que Robin Campillo.

«On est même des cinéastes qui sommes assez éloignés l'un de l'autre», ajoute-t-il.

Mais «je ne suis pas tant surpris que ça qu'il y ait plusieurs films qui réattaquent les années 90», analyse-t-il, soulignant que «le sida, cette maladie, a été un traumatisme pour toute une génération».

«Je pense que les récits des malades et des gens qui ont été victimes du sida, ça a été pour nous prioritaire à un moment de les entendre. On s'est imposé une sorte de délai avant de prendre la parole en tant que témoin et non pas en tant que victime.»