Il n'a pas été question de la polémique des Césars, qu'il devait présider en février avant son désistement, ni de ses démêlés avec la justice américaine depuis sa condamnation pour rapports sexuels illégaux avec une mineure il y a 40 ans. Roman Polanski, 83 ans, était samedi à Cannes pour présenter (hors concours) le film de clôture de ce 70e Festival de Cannes. Et pour parler exclusivement de cinéma.

Il n'a pas été question de la polémique des Césars, qu'il devait présider en février avant son désistement, ni de ses démêlés avec la justice américaine depuis sa condamnation pour rapports sexuels illégaux avec une mineure il y a 40 ans. Roman Polanski, 83 ans, était samedi à Cannes pour présenter (hors concours) le film de clôture de ce 70e Festival de Cannes. Et pour parler exclusivement de cinéma.

D'après une histoire vraie, thriller réalisé par le cinéaste franco-polonais et scénarisé en collaboration avec Olivier Assayas, d'après le roman du même titre de Delphine de Vigan, semblait pour le moins prometteur. C'est malheureusement un Polanski de série B...

L'adaptation du roman éponyme de Delphine de Vigan raconte l'histoire d'une auteure tourmentée (Emmanuelle Seigner) en panne d'inspiration, qui s'éprend soudainement d'une admiratrice (Eva Green) rencontrée dans un salon du livre. L'admiratrice s'incruste dans la vie de l'écrivaine, et il semble évident, sauf pour elle, que ce n'est pas de bon augure.

Si le nouveau long métrage de Polanski évoque vaguement les classiques de sa première époque - notamment Repulsion (1965) et Le locataire (1976) -, D'après une histoire vraie est surtout du sous-Misery. On ne croit pas un instant que cette auteure, qui vient de connaître un succès populaire grâce à un roman inspiré par sa famille - à l'instar de Delphine de Vigan et de Rien ne s'oppose à la nuit -, puisse être dupe des mauvaises intentions de sa jeune admiratrice, jouée de manière excessivement caricaturale par Eva Green (la Française, révélée par Dreamers de Bertolucci, joue pour une rare fois dans sa langue maternelle).

Il y a des limites à la naïveté. L'incohérence de ce scénario ridiculement bancal nous fait presque croire à une mauvaise plaisanterie faite par Assayas à Polanski, qui n'a pas réalisé d'aussi mauvais film depuis longtemps.

S'agit-il d'un cauchemar d'écrivaine névrosée ou d'une réalité qu'elle vit ? Ni le roman ni le film ne répond directement à la question. 

Si le personnage qui vient la tourmenter n'est pas le fruit de l'imagination de l'auteure, c'est qu'il n'est pas très crédible. Et s'il résulte d'un mécanisme de scénarisation mettant en scène un écrivain et son double, c'est qu'il manque cruellement d'originalité. D'un côté comme de l'autre, c'est raté.

« On se pose constamment la question. Est-ce qu'elle existe vraiment ? C'est très intéressant pour un acteur », disait samedi en conférence de presse Eva Green. « Je n'avais jamais fait un film où deux femmes s'opposent. C'était deux hommes ou un homme et une femme, a de son côté rappelé Polanski, Palme d'or pour Le pianiste en 2002. Le côté thriller m'attirait. Il y avait des échos de mes premiers films. Je me sentais sur mon terrain. »

C'est la cinquième fois que Roman Polanski vient à Cannes à titre de réalisateur. « Olivier [Assayas] m'a énormément aidé, dit-il. J'ai déjà adapté plusieurs livres ou pièces et la chose qui me préoccupe le plus est de ne pas m'éloigner de l'oeuvre. Jeune ou enfant, j'ai souvent été déçu par l'adaptation de livres que j'aimais. Olivier a réduit un livre d'environ 500 pages à un scénario qui ne perdait rien de l'essence du roman. »

Aussitôt qu'il est amené sur le sujet de son propre parcours, le cinéaste se braque, élude les questions et appelle à ce que l'on interroge plutôt ses acteurs, son producteur, le compositeur Alexandre Desplat ou encore Delphine de Vigan. « Je ne pense pas à ma propre histoire lorsque je travaille sur un scénario, dit-il, laconique. Je pense à l'histoire que j'ai à raconter avec ma caméra. »

Polanski n'hésite pas, en revanche, à se prononcer sur le sujet qui a dominé toutes les conversations pendant ce Festival, c'est-à-dire l'avenir du cinéma en salle. « Je ne crois pas que le cinéma soit menacé, dit-il, en écho à d'autres grands metteurs en scène tels Michael Haneke et Pedro Almodóvar. Les gens continueront d'aller au cinéma. Pas pour la projection, les sièges ou le son, mais parce qu'ils peuvent participer à une expérience collective. C'est le propre de l'être humain, depuis le théâtre grec et le cirque romain. On pensait qu'avec le Walkman, les gens n'iraient plus voir des spectacles. Ce n'est pas arrivé. Il y a une différence entre voir Borat tout seul ou avec un public qui rit ! »

Comme Michael Haneke plus tôt dans le Festival, le cinéaste de Chinatown et de Rosemary's Baby s'est aussi montré très critique à l'endroit des réseaux sociaux comme Facebook, auquel il n'est pas abonné. « On y est bombardé par la vie des gens, dit-il. Les photos qui servaient avant de références deviennent fausses. On ne peut plus se fier à la photo comme d'un document témoignant de la vérité. On peut tricher en quelques minutes et envoyer le résultat à un nombre illimité de gens. L'expression "d'après une histoire vraie" ne veut plus rien dire ! »

Delphine de Vigan croit aussi que l'appétit du public pour les « histoires vraies » devient un argument commercial dont il faut se méfier. « Cette façon de constamment chercher les vraies personnes derrière les personnages est quelque peu terrifiante. Ça m'est arrivé avec mon roman précédent, qui parlait notamment de ma famille mais qui était une fiction. Beaucoup de lecteurs ont essayé de trouver les vraies personnes qui m'avaient inspirée. Quelque chose me heurte dans ce voyeurisme. »

Et le cinéaste Olivier Assayas de conclure : « De toute façon, la fiction est beaucoup plus vraie que la simple vérité anecdotique. » Tant de talentueux artistes mis à contribution d'un film aussi raté...